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et des subdivisions, déterminant des réductions plus ou moins fortes, en raison des origines des effets. « Les effets bien prouvés et les billets de 500 livres et au-dessous ne subiront aucune diminution ; les autres seront réduits de 1/5, l//4, 1/3, 2/5, 1/2, 2/3, ¾ ; et ceux qui ne pourront établir leur origine seront liquidés au vingtième ; au surplus, on aura aussi égard à l’importance des sommes ; les plus fortes souffriront plus de réduction que les fortes, et les petites n’en souffriront pas[1]. » En échange des effets ainsi liquidés, on délivrera à chacun des certificats de liquidation, fixant la somme à laquelle il est réduit. Ce procédé qui, suivant les auteurs et les directeurs du visa, est seul équitable[2], n’est cependant conforme ni aux lois ni à la justice. Si l’état distribuait une libéralité aux créanciers du système, il pourrait la répartir, à son gré, suivant l’intérêt que méritent les personnes; mais il acquitte ses dettes. Ses créanciers peuvent avoir des situations différentes, être riches ou pauvres, dignes de sympathie ou de mépris : ils ont tous le même droit.

Le second arrêt du 23 novembre applique les mêmes règles à la liquidation des actions de la compagnie. Leur nombre avait été fixé à 250,000 ; mais, en fait, il n’y’en avait que 194,000 entre les mains du public, et 125,024 seulement furent présentées au visa[3]. L’arrêt rappelle qu’un grand nombre de ses actions sont entre les mains de personnes de toutes conditions, auxquelles elles tiennent même lieu de patrimoine ; que d’ailleurs il est nécessaire de conserver une société de commerce qui, par le choix de ceux qui la composeront et sa bonne régie, puisse utiliser, pour le bien de l’état, des établissemens considérables fondés dans toutes les parties du monde : après les arrêts du 26 janvier et du 7 avril, il n’y a plus qu’à procéder

  1. Manuscrit du ministère. — Mémoires de la régence, t. III.
  2. « Ainsi, dit Pâris-Duverney, on forma le projet de réduire les dettes publiques proportionnellement aux forces du royaume et à la justice. On résolut de ne conserver, s’il se pouvoit, qu’à peu près autant de capitaux hypothéqués sur les revenus du roi qu’il y en avoit avant 1719, indépendamment de ce qui en seroit admis sur la compagnie. Il eût été dangereux de charger le royaume d’une trop grande quantité de dettes ; elles seroient retombées dans le discrédit, au lieu que la sûreté et la régularité du paiement des arrérages en dévoient soutenir la valeur comme il est arrivé. D’ailleurs on se proposa de connoître les porteurs d’effets et d’établir des distinctions dans leurs titres, suivant les origines qu’ils pouvoient avoir, pour conserver les privilèges des créanciers légitimes et pour faire tomber la réduction plus ou moins forte sur les autres suivant les circonstances plus ou moins favorables, justifiées, » (Examen sur les finances, t. II, p. 150.)
  3. « La brutalité des moyens employés par Pâris-Duverney, les souvenirs encore récens du premier visa (en 1715), la perspective d’une entière spoliation, effrayèrent beaucoup de particuliers, qui n’osèrent pas porter leurs titres dans les bureaux et livrer le secret de leur fortune à l’inquisition des commissaires. » (Levasseur, p. 298.)