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rentes ou des créances à rembourser ; il ne l’est pas moins des billets dont la transformation de la banque générale en banque royale a fait des effets royaux et dont le roi s’est déclaré garant ; il ne l’est pas moins aussi des rentes viagères et des actions rentières qu’il a fait émettre par la compagnie, pour employer des billets ou rembourser quelques parties de la dette publique. Mais l’arrêt du 23 novembre, qui concerne ces valeurs, explique que les revenus publics ont été considérablement diminués par la suppression du dixième et par celle de plusieurs autres droits ; la peste qui désole une partie du royaume et qui a interrompu le commerce, ne permet pas d’établir de nouveaux impôts ; et sur le produit net des recettes ordinaires, il n’est possible de prélever annuellement que 40 millions : en conséquence, il ordonne « qu’à compter du 1er  janvier 1721 il sera fait un fonds annuel de 40 millions pour servir au paiement des dettes visées en exécution de l’arrêt du 26 janvier et qui seront liquidées suivant le règlement ci-annexé. » C’est la déclaration d’un négociant qui, ne pouvant payer intégralement ses créanciers, leur abandonne la partie de son actif qui n’est point indispensable à la marche de ses affaires, en leur demandant, et ici en les contraignant, de s’en contenter.

Pour dissimuler la perte que subiront en capital tous les porteurs d’effets visés, on capitalise à 2 1/2 pour 100 l’annuité de 40 millions qui peut être affectée à leur paiement, et le capital fictif de 1,600 millions, ainsi déterminé, laisse encore un déficit de 622 millions. Mais l’état n’a jamais emprunté à 2 1/2 : quand Colbert après le traité de Nimègue (1678) et Chamillart après celui de Ryswick (1697) ont converti les rentes émises pendant la guerre à des conditions onéreuses, en empruntant à 5 pour 100, cette opération fut considérée comme un succès financier : c’est arbitrairement que depuis, en 1713 et en 1715, ces rentes ont été réduites à A pour 100. Cependant, on peut admettre qu’il faut tenir compte du fait accompli, et qu’il n’y a pas de raison pour rendre aux rentiers en 1721 plus qu’ils n’avaient en 1719 quand on a entrepris la téméraire opération du remboursement. À 4 pour 100, l’annuité perpétuelle de 40 millions donne un capital de 1 milliard, et le déficit est, en chiffre rond, de 1,200 millions : 54 1/2 pour 100.

Mais ce qui donne à la liquidation du visa un caractère particulier, c’est que les créanciers ne supporteront pas cette réduction de plus de moitié proportionnellement à leurs créances. La pensée qui a inspiré l’arrêt du 26 janvier et les opérations du visa est expliquée ; il ne faut pas confondre et traiter également ceux que le système a enrichis et ceux qu’il a ruinés ou appauvris. L’arrêt du 23 novembre a pour complément un règlement qui indique comment un état de toutes les dettes sera dressé, avec des divisions