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actions par un article de leur délibération du 22 février, que la déclaration royale du lendemain avait eu soin d’omettre; que, bien qu’il fut expressément interdit, et par leur délibération, et par la déclaration, de faire aucuns billets sans l’autorisation de l’assemblée générale, il en avait été ordonné pour 1,496 millions par des arrêts du conseil et par le roi; que, par ces deux motifs, ils ne pouvaient encourir aucune responsabilité. Ce débat agita et passionna l’opinion pendant plus de deux mois ; mais l’arrêt du 7 avril, qui le termina en rejetant la requête de la compagnie, n’eut pas pour elle les conséquences qu’elle redoutait. L’état était directement responsable envers ses anciens créanciers et envers les porteurs de billets dont le roi était garant. La responsabilité de la compagnie ne faisait pas cesser celle du trésor royal, auquel elle permettait seulement d’exercer un recours pour une partie des dettes qu’il aurait liquidées et payées. Quand le moment d’exercer ce recours arriva, la disposition des esprits s’était modifiée[1] : le gouvernement, préoccupé alors de la reconstitution de la compagnie comme société de commerce, loin de diminuer les ressources qu’elle avait pu conserver, songea plutôt à les accroître.

Pendant que le second arrêt du 26 janvier était contesté et confirmé, l’opération prescrite par le premier avait commencé : elle ressemblait à celle qui, en 1715, avait eu pour objet la recherche et la liquidation des effets royaux et fut appelée, comme elle, visa ; mais elle portait sur un nombre infiniment plus considérable d’effets et sur des sommes bien autrement importantes.

Le travail était immense. Cinquante-quatre bureaux, composés de plus de cent commissaires du conseil et de deux mille commis furent installés au vieux Louvre : quatre de ces bureaux étaient plus particulièrement chargés de connaître des questions spéciales qui étaient soulevées et qui leur étaient rapportées par les autres bureaux ; un tribunal supérieur fut en outre institué, sous le nom de commission générale, pour prononcer, en dernier ressort, sur les difficultés plus graves. Les opérations commencèrent le 10 mars, et il fallut proroger deux fois le délai assigné pour la présentation des effets : le 21 mai, il fut décidé que les bureaux seraient fermés à la fin de juin. En effet, les trois mille registres du visa furent arrêtés le 30 juin, et un arrêt du 10 août annula tous les effets qui n’avaient pas été présentés.

Le procès-verbal des opérations constate que des feuilles de liquidation furent délivrées à 511,009 déclarans : il est vrai que ces

  1. Pâris-Duverney s’en plaint : «La compagnie succomba (7 avril); mais, par un retour singulier qui n’étonnera pas les habitans des cours, sa défaite ne fut qu’une victoire, et pendant qu’on la condamnait publiquement à rendre les comptes de la banque, on lui fournissait les moyens de les solder. »