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qu’on diminuât le prix ou la valeur numéraire des actions des Indes et des billets de banque pour soutenir ces effets dans une juste proportion avec les espèces et les autres biens du royaume, empêcher que la plus forte valeur des espèces ne diminuât le crédit public, donner en même temps aux créanciers privilégiés les moyens d’employer plus favorablement les remboursemens qui pourraient leur être faits, et enfin prévenir les pertes que ses sujets souffriraient dans leur commerce avec l’étranger. »

Ainsi on n’a réduit la valeur des actions et celle des billets que parce que la déclaration du 11 mars a prescrit la diminution du cours des espèces : mais cette diminution n’est qu’une mesure préparatoire pour amener l’abolition même de la monnaie métallique ; elle doit avoir pour résultat définitif de ne laisser subsister que des pièces de 10 sols et de 5 sols, et alors il n’y aura plus de circulation monétaire véritable. Cependant, si on ne s’arrête pas à cette sorte de fin de non-recevoir contre l’argumentation du préambule, si on admet que l’acte du 11 mars a réellement pour objet de réduire le cours des espèces d’une manière générale et durable, l’arrêt du 21 mai en sera-t-il plus justifié? Il faut encore distinguer entre les actions et les billets. Quant aux actions, le reproche à faire à l’arrêt est moins celui d’avoir réduit leur valeur de moitié que celui d’avoir eu la prétention de la fixer et de poursuivre à cet égard l’erreur déjà commise par l’arrêt du 5 mars : le public, les transactions d’un marché libre pouvaient seuls fixer le cours des actions. Quant aux billets, il est vrai que la diminution du cours des espèces et la hausse de la monnaie de compte, qui en était la conséquence, élevaient leur valeur réelle en accroissant la quantité d’or ou d’argent à laquelle le remboursement leur donnait droit ; mais l’élévation du cours des espèces avait auparavant produit l’effet contraire. Quand, le 4 décembre 1719, la banque générale était devenue la banque royale et que ses billets avaient été stipulés en livres tournois, le marc d’argent monnayé valait 56 livres et la livre exprimait une quantité d’argent égale à 0 fr. 89 de notre monnaie ; elle valait fr. 89 et le billet de 100 liv. représentait 89 francs. Après l’arrêt du 25 février, qui porta le marc d’argent monnayé à 60 livres et par suite abaissa la valeur de la livre à 0 fr. 83, le billet de 100 livres ne représenta plus que 83 francs d’argent et 62 francs après l’arrêt du 5 mars, qui porta le marc de 60 livres à 80 livres. Pour que ce billet eût continué à représenter 89 francs, comme le jour où il avait été émis, il aurait fallu élever sa valeur nominale de 100 livres à un peu plus de 135 livres. On ne l’avait pas fait. Pourquoi le réduire à 50 livres, parce qu’à la fin de l’année le cours des espèces sera tellement abaissé que la livre représentera 1 fr. 66 d’argent? Si ce cours