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défendue. Les 9 et 20 février, la diminution ordonnée le 28 janvier est successivement prorogée au 20 février, et à la fin de mars pour Paris, à la fin de février et au 10 mars pour les provinces. Le 25 février, avant même ces époques, toutes les espèces anciennes et nouvelles sont de nouveau admises dans la circulation, à raison de 900 livres le marc d’or et de 60 livres le marc d’argent : la banque n’exigera plus 5 pour 100 de l’argent qui y sera déposé; elle recevra et délivrera les espèces au prix auquel elles ont cours. (Arrêts des 15, 22, 28 et 31 janvier, et des 9, 20 et 25 février.)

Toutes ces dispositions concernant les monnaies sont confuses et contradictoires : celle qui les suit est violente. Le 27 février, il est défendu à tous les Français de conserver plus de 500 livres en numéraire, sous peine de 10,000 livres d’amende. Il est interdit de payer les sommes de 100 livres et au-dessus autrement qu’en billets. L’arrêt se borne à déclarer que, « la quantité des espèces actuellement dans le royaume doit dépasser 1,200 millions, et que néanmoins le public est privé d’une circulation suffisante, parce que plusieurs personnes qui ont fait des fortunes considérables resserrent les espèces; » et on croit que ce motif justifie des violences qui rappellent les gouvernemens les plus tyranniques[1]. C’est aussi parce que les nouveaux enrichis, les réaliseurs, étalant un luxe excessif et inopportun, « ont employé une partie considérable de leur fortune dans l’achat de diamans, de perles, de pierres précieuses, » qu’il est défendu de porter aucun de ces objets, sous peine de 10,000 livres d’amende.

Law n’est arrêté par aucune considération de droit ou de justice dans les efforts qu’il tente pour développer la circulation des billets afin de soutenir le cours des actions. Cependant, ces deux valeurs sont essentiellement différentes. La banque royale est devenue un établissement de l’état; la compagnie des Indes est restée une société particulière de commerce et d’industrie. Le billet est l’engagement souscrit par la banque, c’est-à-dire par l’état, et dans les formes de gouvernement qui existaient alors, par le roi, de payer à

  1. Montesquieu rappelle, à cette occasion, dans l’Esprit des lois (liv. XIX, chap. XXVI), que César défendit aux Romains de garder plus de 60 sesterces, et, après avoir indiqué les circonstances et le but de cette défense, il ajoute : « César fit sa loi pour que l’argent circulât parmi le peuple : le ministre de France fit la sienne pour que l’argent fût mis dans une seule main. Le premier donna pour de l’argent des fonds de terre ou des hypothèques sur des particuliers; le second proposa pour de l’argent des effets qui n’avaient point de valeur et qui n’en pouvaient avoir par leur nature et par la raison que sa loi obligeait de les prendre. »