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de nouveau par Bouvard à l’aide des perturbations de Saturne, semblait fixée à 1/1000 de celle du soleil. Les principes du calcul des chances permettaient de parier, suivant Laplace, 999,308 contre 1 que l’erreur n’est pas la centième partie de la valeur trouvée. Quelle ostentation de consciencieux savoir ! C’est 999,308 francs que l’on peut risquer contre 1 franc. On aurait eu tort de risquer dix sous; on les aurait perdus; les perturbations de Junon l’ont prouvé. Sans contester ce témoignage irréprochable de la petite planète, Poisson maintenait les principes. « Les calculs de Laplace, dit il, ont donné, avec une précision voisine de la certitude, une masse plus petite qu’elle n’est réellement. Cela ne provient d’aucune inexactitude dans les formules dont il a fait usage ; il y a lieu de croire que la masse de Jupiter, un peu trop petite, résulte de quelques termes fautifs dans l’expression des perturbations. » Poinsot, son spirituel adversaire, pour transformer l’apologie en épigramme, ne change rien au trait que l’accent: « Après avoir calculé la probabilité d’une erreur, il faudrait calculer la probabilité d’une erreur dans le calcul. »

Peut-on, par des combinaisons habiles, s’assurer sur les résultats d’observations imparfaites, puisées à des sources douteuses? On le peut, répond la théorie, pourvu qu’on n’ait pas à craindre d’erreurs constantes. Le calcul échouera, répond le bon sens. Les deux réponses sont d’accord.

Lorsqu’en 1761, après soixante-dix années d’attente, les astronomes de tous les pays distribuèrent sur la portion du globe désignée par Halley plus de cent observateurs du passage de Vénus, la crainte du mauvais temps et l’émulation du zèle pour la science, en accrurent ainsi le nombre, — on croyait la méthode infaillible, et deux observateurs soigneux, Halley l’avait prouvé, pouvaient sans aucun associé donner la parallaxe exacte au centième de seconde. Soixante observations, au lieu de deux, faisaient espérer par leurs combinaisons mille sept cent soixante-dix déterminations identiques. La déception fut grande; les résultats variaient entre 7 et 11g . En combinant quinze observations européennes, avec celle du cap de Bonne-Espérance, Short trouva une moyenne de 8g47. L’observation de Tobolsk, combinée avec quinze autres, donnait 9"56; en en supprimant quatre, il restait 8g69. Ces quatre observations, deux de Stockholm et deux de Tornéa, comparées à celle de Tobolsk, auraient donné plus de 11g . L’opération était à refaire. Rien ne fut épargné en 1709, le succès fut pareil. En combinant les observations sans règle et sans méthode, les calculateurs du XVIIIe siècle n’en purent montrer que l’incertitude. Encke, en 1822, voulut reprendre dans leur ensemble les résultats des deux expéditions,