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permanente des mêmes causes, se groupera autour de la même moyenne.

Tout observateur soigneux étudie les erreurs constantes et les corrige sans retrancher la cause ; rien ne trompe moins qu’une balance trompeuse. Qu’importe que les bras soient inégaux, pourvu qu’on le sache? Qu’un gramme ait 999 milligrammes, un décimètre 99 millimètres, l’observation réduite conserve toute sa valeur. Toute mesure est comparable à un jeu ; les erreurs possibles en plus ou en moins sont les chances de gain ou de perte ; les erreurs constantes changent les règles du jeu, les erreurs fortuites laissent le jeu équitable.

La loi que doivent suivre, d’après une ingénieuse théorie, et que suivent à très peu près, quand elles sont nombreuses, les erreurs corrigées de toute inclination fixe, a été proposée par Gauss. L’histoire en est singulière. en proposant en 1809 une hypothèse sur la théorie des erreurs, l’illustre auteur ne prétendait nullement établir la vérité, mais la chercher. Laplace, par une voie différente, sans beaucoup de rigueur à son tour, avait obtenu la même formule qui, très voisine souvent de la vérité, pourrait s’en éloigner sans démentir la science.

Le principe de Gauss est fort simple : Quand une grandeur a été mesurée plusieurs fois, les erreurs constantes étant écartées, — la précaution est nécessaire, — entre plusieurs résultats également dignes de confiance, la moyenne est, en l’absence de tout autre renseignement, la valeur la plus probable. Les conséquences de cet axiome sont belles et imprévues, mais incertaines ; Gauss en convient volontiers. Le rapprochement des observations peut affaiblir la confiance en quelques-unes d’elles. Si quatre pesées successives ont donné 20, puis 27, 26 et 28 milligrammes, on se décidera sans doute, quelles que soient les circonstances, à écarter la première mesure pour adopter la moyenne des suivantes. Quoi qu’il en soit, Gauss, sur ce fondement, établit ingénieusement une formule que l’expérience confirme. Le hasard, quand les épreuves sont nombreuses, amenant chaque événement en raison de sa probabilité, il suffit, pour juger la formule, de faire mesurer un grand nombre de fois une grandeur que l’on connaît très exactement à l’avance.

La probabilité des erreurs suit, d’après la formule, précisément la loi des écarts dans les épreuves répétées. La rencontre n’est pas fortuite, Laplace l’a expliquée. Les erreurs constantes étant écartées, les accidens fortuits troublent seuls chaque épreuve, ils sont analogues aux tirages faits dans une urne. Laplace développe ce rapprochement, le rend précis, transforme le problème, et retrouve la formule de Gauss.