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naissances des deux sexes. L’assimilation à des boules tirées d’une urne de composition invariable n’est donc pas acceptable. La vicissitude des événemens règle sans cesse la composition de l’urne. Tantôt c’est le choléra qui passe et y verse des boules noires. Ce sont des eaux plus pures et plus fraîches qui apportent des boules blanches. C’est la disette qui rend les maladies plus abondantes et plus graves, la guerre qui accroît les mauvaises chances dans l’urne sans cesse renouvelée.

M. Dormoy, dans un livre savant et bien composé sur la théorie des assurances, a cherché curieusement dans les documens de la statistique la confirmation de la loi des écarts. Il introduit, sous le nom de coefficient de divergence, le rapport de l’écart observé à l’écart moyen prévu par le calcul.

Un phénomène semble régulier, les chiffres qui le résument, sans être constans, varient peu d’une année à l’autre. On peut composer une urne qui, sous l’influence du hasard, représentera en moyenne, dans un nombre donné de tirages, par les boules noires amenées, la loi de l’arrivée de l’événement. On nomme écart, pour l’urne, la différence moyenne annoncée par le calcul. L’écart, pour l’événement, est la différence entre le chiffre relatif à une année et la moyenne générale. Si le hasard règle le phénomène, le coefficient de divergence différera peu de l’unité. Un rapport plus grand révèle, s’il se maintient, l’influence d’une force perturbatrice. Un coefficient de divergence plus petit que l’unité ferait deviner, au contraire, une action régulatrice qui, surveillant pour ainsi dire le hasard, amoindrit les inégalités et en efface le caractère. Tel est le cas d’un observateur trop avisé qui, dans les cas douteux, altère et corrige les observations pour en accroître la vraisemblance.

Pour les naissances des filles et des garçons, le coefficient de divergence a été 1,17 pour la France entière, de 1832 à 1841, et 1,38 de 1851 à 1864. Il confirme pour ces périodes la supposition d’une probabilité constante.

Le rapport du nombre des naissances naturelles au nombre total des naissances est moins régulier. Le coefficient de divergence, de 1817 à 1826, est égal à 15; pour le rapport du nombre des mariages à la population, le coefficient de divergence, de 1829 à 1848, s’est élevé à 25.

Le rapport du nombre des décès à la population a pour coefficient de divergence 86! Les anomalies sont continuelles. Le coefficient ne porte que sur des écarts, il faut le remarquer. Le nombre des décès pendant une année étant supposé pour la France entière égal à un million et au trente-sixième de la population, l’assimilation des tables mortuaires annuelles aux tirages faits trente-six