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tout était réglé par le hasard. Si deux phénomènes se présentent chacun neuf jours sur dix, les coïncidences, même très fréquentes, ne prouvent rien. Si chacun d’eux revient deux fois par an seulement, la coïncidence, plusieurs fois observée, sera difficilement attribuée au hasard. difficilement: l’indication est vague! Quand les géomètres, dans les cas semblables, ont donné un chiffre précis, ils ne tenaient aucun compte de la probabilité a priori du rapprochement qu’on a voulu faire, ou ils l’évaluaient, ce qui revient au même, tout à fait au hasard. Une comète a précédé la mort de César. Quelque nombreux et bien constatés que fussent les événemens de ce genre, oserait-on croire, sur la foi du calcul, que telles âmes sont tant nobles et héroïques que de leur délogement et trépas nous est certains jours devant donner signification des cieux ?

Un géomètre a trouvé une démonstration nouvelle du théorème de Bernoulli. J’en examine le principe, j’en parcours les calculs, j’en vérifie quelques-uns, et, n’apercevant aucune objection et aucune méprise, je déclare avec confiance l’exactitude de la méthode.

Le même auteur propose une démonstration du célèbre théorème énoncé par Fermat. J’examine le principe, je parcours les calculs, j’en vérifie quelques-uns, et, n’apercevant aucune objection et aucune méprise, je continue à chercher la faute. Pourquoi cette différence? Si les cas sont identiques, l’inégalité est-elle juste? Les cas sont différens. L’auteur qui démontre le théorème de Bernoulli enfonce une porte ouverte, il ne peut guère trébucher au passage. Celui qui démontre le théorème de Fermat suit un sentier sans issue connue; les chances d’une chute, d’après l’expérience du passé, y surpassent cent contre un pour les plus habiles.

Toujours exact et précis dans l’énoncé des règles, Laplace n’a pas manqué d’introduire cette probabilité a priori comme point de départ et base nécessaire du calcul. Quelles que soient les conditions du problème, elle entre comme facteur, presque toujours inconnu, dans la formule qui la résout. L’illustre auteur de la Théorie analytique des probabilités a plus d’une fois cependant donné des chiffres précis qu’il faudrait changer avec l’hypothèse arbitrairement adoptée sur la probabilité a priori. Quand il assigne 1,826,214 à parier contre 1, comme mesure de la probabilité pour que le soleil se lève demain, l’affirmation, quelles que soient les atténuations qui la suivent, repose sur une pure illusion.

Le rapport du nombre des décès à la population n’a pas été moins soigneusement étudié que celui des naissances. Les compagnies d’assurances ont intérêt à le connaître et à en grossir l’évaluation, La statistique le montre à peu près constant. Les variations, quoique petites, sont supérieures à celles du rapport des