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La marque du hasard semble visible. Pouvait-on cependant le mieux tenir à l’écart ? Nos lois expriment une propriété commune aux combinaisons les plus nombreuses ; elles se vérifient quand on ne choisit pas, il ne suffit pas de choisir pour s’y soustraire.

Le partage des naissances entre les deux sexes a été étudié sur plus de 200 millions d’enfans. Depuis près de deux siècles, le nombre des garçons a dépassé celui des filles ; aucun pays ne fait exception ni aucune époque. Le rapport varie peu : le nombre des garçons, pour 100 filles, est compris, pour un grand nombre de naissances, entre 104 et 108. On s’est demandé si cette supériorité observée chez toutes les races, dans les villes comme à la campagne, au midi comme au nord, chez les plus pauvres comme chez les plus riches, est une loi de l’humanité ou on accident fortuit.

À notre époque et pour notre état social, l’évidence est complète ; ni les calculs ne sont nécessaires ni les raisonnemens. Ils le sont pour un second problème. Les variations observées d’une année à l’autre pour un même pays, d’une province à l’autre pour une même année, sont-elles assimilables aux résultats capricieux du hasard ? Peut-on voir dans la constance approchée du rapport un témoignage suffisant de la loyauté du jeu ? Je précise la question : une urne, toujours la même, contient des boules noires et blanches, on y puise une boule au moment de chaque naissance. Pourrait-on sans invraisemblance représenter par le nombre de boules de chaque couleur la proportion variable des naissances ? Le nombre des noires, bien entendu, l’emporte sur celui des blanches dans la proportion qui convient au succès.

Les écarts de la moyenne produits par le hasard sur un million d’épreuves, pour un événement dont la probabilité diffère peu de ½, ont pour valeur moyenne 400. De plus grands écarts sont possibles assurément, mais leur probabilité diminue rapidement. On peut parier mille contre un pour un écart moindre que 1,600. La probabilité d’un écart supérieur à 2,000 est 1/10000000. Telles sont les indications du calcul.

Deux mille naissances masculines en plus sur un million, accroîtraient de moins d’un centième le rapport du nombre de garçons à celui des filles. Les rapports extrêmes fournis par la statistique, 1,04 et 1,08, diffèrent trop l’un de l’autre pour permettre l’assimilation pure et simple aux effets du hasard. Les conditions ne peuvent donc être, en tout temps et en tout pays, identiquement les mêmes, mais la variation est petite. Pendant l’année 1837, le nombre des garçons nés à Paris est descendu à 10,074 pour 10,000 filles. Dans les hasards d’un tirage au sort dont les conditions seraient invariables, sur un nombre d’épreuves égal à celui des naissances annuelles à Paris, on pourrait parier plus de