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Sur 1 million de parties, une perte de 3 pour 100 supposerait, contre les lois du hasard, un dérèglement qui jamais ne s’est vu, 3 pour 1,000 représente une chance défavorable équivalente à celle des deux hypothèses précédentes. Trois parties sur 1,000, pour 1 million de parties, feraient une perte de 3,000 louis; un jeu égal devient à la longue dangereux. Non-seulement les lois du hasard permettent la ruine du joueur, elles la prédisent. Tout joueur se ruinera si le temps ne lui manque pas. Ampère et Laplace l’ont démontré; leurs raisonnemens n’ont corrigé personne, ils intéressent tout le monde.

Si deux joueurs jouent sans cesse jusqu’à la ruine de l’un d’eux, le moins riche sera vaincu. Le rapport du nombre des parties gagnées ou perdues différera de moins en moins de l’unité, mais la différence augmentera, comme nous l’avons dû ; tantôt l’un sera en perte, tantôt l’autre. La différence, petite d’abord, deviendra grande. La perte, dans ses oscillations, frappera chacun des deux joueurs alternativement; quand elle dépassera la fortune du perdant, la ruine pour lui sera consommée. Le danger menace surtout, on le comprend, le moins riche des deux joueurs. L’homme qui joue sans limite et sans cesse, accepte tous les adversaires dont l’ensemble, sans changer son sort, peut recevoir un nom collectif : le public, qui n’est jamais ruiné, ruine les imprudens qui l’attaquent.

Tout change quand les conditions du jeu sont inégales. Le moindre avantage fait pencher la balance. Pour le joueur que les conditions favorisent, le gain augmente sans limite. Au trente-et-quarante, par exemple, l’avantage du banquier est un peu plus de 0,6 pour 100. Si l’on joue 100 parties, en évaluant à 1,000 francs la somme des enjeux pour chacune d’elles, l’avantage réservé au banquier par les règles du jeu représente 600 francs. Les accidens du hasard produiront un écart dont la valeur moyenne, indiquée par le calcul, est 8,000 francs. Le banquier, sur une série de 100 parties, a donc chances égales, à très peu près, de perdre ou de gagner. La perte moyenne, c’est tout son avantage, est un peu moindre que le gain moyen.

Sur 10,000 parties, en supposant toujours l’enjeu de 1,000 francs, l’avantage ménagé au banquier par les règles du jeu, représente 60,000 francs. L’écart moyen, dix fois plus grand seulement pour un nombre centuple de parties, est 80,000 francs. La perte du banquier sur 10,000 parties sera donc un événement très ordinaire, mais, en ce cas, la valeur moyenne de la somme perdue sera 20,000 francs, tandis, que dans l’hypothèse plus vraisemblable du gain, la valeur moyenne est 140,000 francs.

Sur un million de parties, le bénéfice régulier, équivalent à