Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/764

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
LOIS DU HASARD

Comment oser parler des lois du hasard? Le hasard n’est-il pas l’antithèse de toute loi? En repoussant cette définition, je n’en proposerai aucune autre. Sur un sujet vaguement défini on peut raisonner sans équivoque. Faut-il distraire le chimiste de ses fourneaux pour le presser sur l’essence de la matière? Commence-t-on l’étude du transport de la force par définir l’électricité?


I.

Le mot hasard, intelligible de soi, éveille dans l’esprit une idée parfaitement claire. Quand un joueur de tric-trac jette les dés, s’ils ne sont pas pipés, s’il ne sait ni ne veut amener aucun point plutôt qu’aucun autre, le coup est l’œuvre du hasard. Les grands noms de Pascal, de Fermat et de Huyghens décorent le berceau du calcul des hasards. On est injuste en oubliant Galilée. Un amateur du jeu, qui observait les coups et discutait les chances, lui proposa, comme cinquante ans plus tard le chevalier de Méré à Pascal, une contradiction et un doute. Au jeu de passe-dix, on jette trois dés et l’on gagne si la somme des points surpasse 10. Les chances sont égales; les combinaisons qui passent 10 forment la moitié du nombre