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I.

On est frappé particulièrement en France de la cherté qui a eu lieu sur les marchandises depuis un certain nombre d’années et on la considère comme quelque peu anormale. Bien des choses ont été écrites à ce sujet et nous n’avons pas la prétention d’en refaire une étude complète. Nous dirons seulement en constatant cette cherté qu’elle a des causes naturelles et des causes artificielles : les causes naturelles, on les trouve dans le progrès incessant de la richesse publique. Il y a aujourd’hui beaucoup plus de gens qui peuvent se procurer les choses nécessaires à la vie, même les choses de luxe, et il en résulte un renchérissement. Ce renchérissement se manifeste particulièrement sur les marchandises dont la production est en quelque sorte limitée, ou tout au moins qui ne peuvent pas se développer aussi vite que les besoins : ainsi, sur les denrées alimentaires. Il est certain que le prix de la viande, du poisson, du beurre, des légumes, des fruits est tout autre que ce qu’il était il y a quarante ans, et il tend sans cesse à augmenter; il en est de même des logemens dans les grands centres de population : on tient à être mieux logé avec plus de confortable, dans des maisons mieux appropriées à nos besoins. Les prix n’ont pas augmenté pour les céréales, parce que la production a pu se maintenir à peu près au niveau de la demande. Si on consomme davantage de blé, la production n’en est plus limitée au seul pays qu’on habite, comme autrefois, lorsqu’on vivait sous le régime de la protection ; on a le monde entier pour tributaire, et quelles que soient les saisons, quels que soient les besoins, les prix de cette précieuse denrée restent à peu près les mêmes. Quand la production manque dans un pays, elle est abondante dans un autre, grâce à la variété des climats; et comme on a des moyens de transport rapides et économiques, on la met aisément sur tous les marchés du monde à la disposition de ceux qui en ont besoin. Il y a donc une sorte de stabilité dans le prix des céréales et il faut s’en féliciter, car elles sont la base de l’alimentation publique. Quand le blé devient cher, ce sont de grandes souffrances qui en résultent et un trouble profond apporté dans les relations économiques. Ce qui n’a pas haussé non plus et qui a plutôt baissé de prix, c’est tout ce qui concerne l’habillement. Il en coûte moins cher aujourd’hui pour se vêtir qu’il y a quarante ou cinquante ans, cela tient à ce que la production a pu marcher de pair avec la consommation ; non-seulement elle a marché de pair, mais, par les découvertes de