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du monde bienfaisantes qui les aident plus efficacement que par des conseils, le labeur est double : d’une part, subvenir aux besoins multiples de l’indigence éperdue ; d’autre part, établir des relations au dehors, se mettre en communication avec des familles offrant toute garantie de moralité, regarder dans les magasins, dans les arrière-boutiques, dans les cuisines, dans les antichambres, dans les blanchisseries et y caser en toute sécurité celles qui sont tombées de misère sur le seuil, auxquelles on a rendu le courage et le goût de vivre, que l’on a restaurées, ramenées au bien et qui ne demandent plus que le salaire du au travail.

Ainsi que l’on vient de le voir, l’acte de préservation est complet, s’exerce avec une persistance, avec une sagacité remarquables et dans des proportions qu’il est bon de faire connaître. Pendant les années 1881, 1882, 1883, le nombre des femmes reçues en hospitalité a été de 7,534, sur lesquels 3,653 ont été placées : près de la moitié, ce chiffre est considérable, mais il paraîtra bien plus considérable si l’on sait que l’Hospitalité de nuit a cessé de fonctionner d’une façon régulière et définitive avec les derniers jours de 1882 ; beaucoup de femmes, en 1882 et en 1881, n’ont donc fait que traverser le dortoir et ne se sont pas assises dans les ateliers. On peut affirmer sans craindre de se tromper qu’actuellement les deux tiers au moins des femmes recueillies ne quittent la maison que pour entrer en condition ; c’est là un résultat exceptionnel. Le séjour est plus ou moins prolongé, selon les occasions plus ou moins facilement rencontrées ; mais, dans certains cas, on a soin de ne se point presser, car ce n’est pas seulement une indigente que l’on héberge, c’est une malade ou peu s’en faut, et l’on s’occupe de fortifier sa santé avant de s’enquérir d’une condition à lui offrir. En effet, et je l’ai dit plusieurs fois, il est impossible à nos hôpitaux déjà trop encombrés de garder les malades aussi longtemps qu’il serait nécessaire à un rétablissement complet. Dès que la période aiguë et dangereuse du mal est passée, dès, comme l’on dit, que le malade peut se tenir sur ses jambes, il est congédié, car bien d’autres attendent qui réclament sa place. Les plus heureux sont ceux qui, après le séjour à l’hôpital, sont envoyés à l’hospice du Vésinet ; mais, là non plus, on ne leur permet pas toujours de recouvrer toute la santé, et l’on abrège la convalescence. Si la femme qui vient de traverser ces deux étapes n’a point de famille pour la recevoir, point de domicile pour s’y réfugier, ce qui est le cas de toutes les servantes, si elle n’a pas de ressources, si nul être charitable ne l’accueille au foyer, que va-t-elle devenir, seule, pauvre, trop faible pour travailler, trop dolente encore pour faire les démarches où elle aura peut-être la fortune de trouver à mettre