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quelques informations plus précises. Le temps pressait, en effet, car le roi annonçait son prochain départ de Berlin pour Baireuth, où il devait faire visite à sa sœur, la margrave, femme du souverain de ce petit état, et il ne cachait pas qu’il comptait y rencontrer plusieurs princes importans d’Allemagne et s’entretenir avec eux des intérêts de l’empire. Tout le désir de Voltaire était d’être emmené avec lui, comme conseiller et comme auxiliaire, dans cette tournée diplomatique. Mais auparavant, il semblait pourtant nécessaire de savoir ce qu’on y allait faire. Voltaire saisit donc l’occasion d’une lettre qu’il avait reçue de l’abbé de La Ville, lui annonçant des propositions de paix faites par un magistral hollandais, et en communiquant ce renseignement à Frédéric, il crut pouvoir lui poser quelques questions dont il le priait de mettre en marge les réponses. Le roi ne s’y refusa pas, et cette pièce, écrite sur deux colonnes, a été conservée dans les manuscrits de Voltaire, qui en fait mention avec complaisance dans ses Mémoires. Bien qu’elle soit connue sans doute de plus d’un lecteur, je ne puis me refuser le plaisir de la citer intégralement, quand ce ne serait que pour la recommander à l’attention des faiseurs de Maximes et de Caractères, des La Rochefoucauld ou des La Bruyère futurs qui seraient tentés de moraliser sur les illusions de l’amour-propre. Si Voltaire, en effet, qui avait assez raillé en sa vie pour s’entendre en plaisanterie, ne s’est pas aperçu, ce jour-là, à quel point on se moquait de lui, c’est que les nuages élevés par la vanité dans l’intelligence sont trop épais pour que tout l’esprit du monde suffise à les dissiper.


A Frédéric II, roi de Prusse.


Septembre 1743.

Votre Majesté aurait-elle assez de bonté pour mettre en marge ses réflexions ses ordres ?


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VOLTAIRE FREDERIC
1° Votre Majesté saura que le sieur Bassecour, premier bourgmestre d’Amsterdam, est venu prier M. de La Ville, ministre de France, de faire des propositions de paix. La Ville a répondu que si les Hollandais avaient des offres à faire, le roi son maître pourrait les écouter. 1° Ce Bassecour est apparemment celui qui a soin d’engraisser les chapons et les coqs d’Inde pour Leurs Hautes Puissances?