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gagner le Danube à Zimitza, franchir le fleuve en aval de Sistov, puis traverser les Balkans par le défilé de Chipka, sur le territoire de la Roumélie, et atteindre Ieni-Sagra, où s’effectuait le raccordement avec la ligne turque de Philippopoli a Andrinople. Les difficultés techniques se trouvaient ainsi concentrées sur les deux points principaux de la traversée du Danube et du passage des Balkans ; la ligne desservait en Valachie la partie la plus fertile du territoire, s’assurait tout le trafic roumain, rencontrait en Bulgarie une population douce et laborieuse et aboutissait au versant sud des Balkans dans la Roumélie, la plus belle contrée de la Turquie d’Europe. Ge chemin d’Orient-Occident ne comprenait que 351 kilomètres à construire, dont 147 en Roumanie, 132 en Bulgarie et 72 en Turquie.

Quelques mots d’explication deviennent ici nécessaires. Nous avons jusqu’à présent attribué à la Société autrichienne la paternité du projet dont nous venons de parler. Sans doute, elle a joué un rôle prépondérant dans la préparation d’un chemin de fer qui était en quelque sorte le prolongement de sa ligne de Temeswar-Orsova : c’était aussi la préoccupation de ses administrateurs de s’attacher aux développemens que l’entreprise pouvait recevoir au nord et à l’est, et une des dernières pensées du plus ancien d’entre eux, le regretté M. Isaac Pereire, fut l’exécution du chemin si bien nommé Orient-Occident. Dans ce dessein, les agens de la Société autrichienne et, à leur tête, le directeur des travaux, M. de Serres, avaient dressé les plans, les devis, arrêté tous les calculs de dépenses, etc., mais de grandes sociétés financières, de hautes influences, à Vienne, à Berlin, en Russie même, s’associaient aussi au projet, qui faillit être mis à exécution et qui satisfaisait tant d’intérêts. Toutefois, il faut bien le reconnaître, il en négligeait, il en mécontentait même de bien plus importans qui furent les plus forts : la victoire passa d’un autre côté ; le projet ainsi conçu a été abandonné ; peut-être sera-t-il repris, au moins en partie, et c’est parce que l’avenir n’est pas entièrement perdu de ce côté qu’il a paru bon de mentionner la tentative ainsi faite.

C’était avec le gouvernement autrichien que la Staatsbahn avait traité à sa création, et nous avons montré, il y a bien des années, tout l’avantage que les finances de l’état avaient retiré de cet appel à l’industrie privée ; mais, depuis l’établissement du dualisme, la Hongrie, obéissant surtout à des visées politiques et ne rencontrant pas d’ailleurs des facilités analogues, suivit une autre voie ; elle chercha surtout à créer un réseau de chemins d’état et à ramener vers sa capitale de BudaPesth toutes les voies qui pouvaient aboutir à ses frontières, tant au nord qu’au sud, à l’ouest et à l’est. Le principal désir du gouvernement hongrois était de se rattacher