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relations maritimes entre l’Europe et la Turquie ; celles qui existent suffisent, et le régime qui leur est appliqué et qui ne pourrait être modifié tant que subsistera l’empire ottoman, ne permettrait guère de les rendre plus faciles. Ce n’est point par le sud, par la voie qui traverse la mer de l’Archipel, le détroit des Dardanelles, la mer de Marmara et le Bosphore, qu’il s’agit de créer des communications nouvelles et d’ouvrir de faciles accès au commerce européen : c’est au nord par les rives de la Mer-Noire en améliorant les bouches du Danube, c’est surtout au centre par la voie de terre, par les Principautés Danubiennes, le passage des Balkans, par le raccordement de toutes les provinces peuplées de Slaves, d’Albanais, de Bulgares, de Roumains ou de Grecs, qu’il faut laisser un large passage au torrent européen qui se précipite de toutes parts vers la capitale de la Turquie.

Les dernières années du siècle verront-elles se produire le grand mouvement que, l’histoire moderne prépare depuis tant d’années, que poursuivent tant d’efforts, vers lequel tendent toutes les aspirations des souverains et des peuples, c’est-à-dire la mort ou la guérison de l’homme malade des bords de la Mer-Noire ?

Sans aborder cette redoutable question, il en existe une autre plus secondaire, mais dont l’importance croît chaque jour : celle de la mise en valeur de toute la partie sud-est de notre continent, de ces terres merveilleusement fertiles, habitées par les races les plus diverses, dont quelques-unes cependant sont aptes aux travaux du commerce et de l’industrie et n’ont besoin que de guides expérimentés et de collaborateurs sympathiques pour donner tous leurs fruits. Le flot de l’émigration des pays allemands, autrichiens, français, italiens, etc., n’attend qu’une chose, à savoir que la porte s’ouvre pour s’y précipiter. Il n’a pas de longues distances à franchir, ainsi qu’aux pays d’Amérique et d’Océanie, pour y chercher de nouveaux champs ouverts à l’industrie humaine : à deux ou trois jours de notre Occident, aux confins de la Hongrie, à la proximité de Vienne et de Berlin, sous l’œil de la Russie, il n’y a pour ainsi dire qu’à étendre la main pour rencontrer des terres vierges, des mines abondantes ; les habitans du sol consentiraient aisément à en partager la mise en valeur et, par conséquent, à jouir des bénéfices de l’exploitation. Pour hâter le jour de ce partage pacifique, de faibles distances restent à parcourir, un mince capital peut suffire : le nôtre est disposé à concourir à l’œuvre commune ; nous avons donc pu invoquer les bonnes dispositions des mœurs financières de la France pour en augurer l’ouverture pacifique et prompte du chemin de Constantinople.