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quand le conseil, apprenant que les membres des états s’étaient dégagés de leur serment et avaient laissé les régens des villes libres de se prononcer, mit fin à ses hésitations.

D’après le récit manuscrit de la séance, telle qu’elle a été reproduite par l’échevin Bontemantel, qui y assistait, aucun débat n’aurait eu lieu dans le conseil sur le vote qui révoquait l’édit perpétuel, si pour se singulariser, Valkemer n’avait pas proposé de nommer le prince d’Orange comte de Hollande, sans rien changer d’ailleurs à la résolution solennelle qui avait aboli la charge de stathouder. C’était rétablir le stathoudérat sous un autre titre et avec des pouvoirs bien plus étendus, qui auraient fait du prince d’Orange le souverain de la Hollande. Non-seulement Valkemer prétendait s’éviter ainsi l’embarras de révoquer l’édit dont il avait été le principal promoteur, mais encore il se flattait de dépasser par son projet les propositions qui avaient été faites jusqu’alors par les partisans les plus déclarés d’une restauration. Il y avait déjà rallié plusieurs conseillers, quand Bontemantel représenta énergiquement qu’on réveillerait ainsi les craintes et les inimitiés, le titre de comte paraissant menaçant pour la liberté du pays. Il ajouta que les membres des états, qui étaient prêts à s’entendre pour la nomination d’un stathouder, se diviseraient inévitablement si une autre proposition leur était faite et fit valoir la nécessité de leur union pour le salut de la république. Les régens d’Amsterdam, se laissant persuader, se contentèrent de donner l’ordre à leurs députés d’appuyer la demande de rétablissement du stathoudérat et leur recommandèrent de n’épargner aucun effort pour obtenir un vote unanime.

Partout ailleurs, les conseils des villes se hâtèrent de donner leur assentiment à la proposition d’abrogation de l’édit perpétuel, et quand les états de Hollande se réunirent le dimanche soir, 3 juillet 1672, il n’y avait plus qu’à sanctionner le vote des régens. Tous les membres de l’assemblée, sauf ceux de Schiedam, qui n’arrivèrent qu’au cours de la délibération, étaient présens à l’ouverture de la séance. Ils étaient résolus ou résignés à reconnaître la nécessité de faire cesser l’interrègne de la maison d’Orange, qui durait depuis vingt ans. En l’absence du grand-pensionnaire de Witt et de son suppléant Vivien, la délibération était conduite par le pensionnaire de Delft, Van der Dussen.

Une fois la discussion ouverte, aucune observation n’est faite sur la dispense du serment, qui est solennellement enregistrée. Le rétablissement du stathoudérat est aussitôt proposé par les députés d’Amsterdam ; mais quoique tous les membres soient d’accord pour y adhérer, les pouvoirs qui doivent être donnés au stathouder provoquent un conflit d’opinions, et ce sont les députés jusque-là les plus favorables au prince d’Orange qui font leurs réserves.