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magistrats des villes, afin de pouvoir les consulter. Pour éviter toute perte de temps, on convient que les résolutions des conseils des villes seront communiquées à la prochaine séance, qui est fixée au surlendemain, et pour laquelle tous les membres des états se donnent solennellement rendez-vous. « Il y a eu à l’assemblée une très longue délibération touchant un grand point qui regarde Votre Altesse, » écrit au prince d’Orange son principal confident d’Asperen, président des conseillers députés, qui étaient les membres de la commission permanente des états. « Je pense que, dans trois jours, Votre Altesse sera stathouder. Il y a déjà onze voix qui sont acquises, et le reste se prépare ; dimanche prochain, toutes les voix seront assurées à Votre Altesse. En écrivant, vos affaires avancent en poste. »

Il restait à savoir quelle serait l’attitude de la ville d’Amsterdam, qui ne s’était pas encore prononcée. Vingt ans auparavant, elle avait opposé une énergique résistance au dernier stathouder, père du prince d’Orange, et était restée longtemps l’auxiliaire le plus fidèle du parti républicain ; mais depuis que les habitans s’étaient passionnés pour la continuation de la guerre, ils réclamaient avec emportement un nouveau gouvernement, afin de mettre obstacle à toutes les tentatives de négociation. « Il est temps, écrivait-on d’Amsterdam à l’agent français Bernard, que les magistrats renoncent à l’édit perpétuel, parce que le peuple se trouve déjà dans la rue pour les y contraindre. » D’ailleurs, les régens qui, dans la crainte d’un soulèvement populaire, venaient de se prononcer contre les pleins pouvoirs donnés à de Groot pour traiter avec Louis XIV, étaient disposés à se laisser faire la loi plutôt qu’à résister. La plupart témoignaient les dispositions les plus favorables au prince d’Orange ; ils y étaient encouragés par Van Beuningen et par Valkenier, devenu le plus fougueux partisan de la cause orangiste. Toutefois, ils n’osèrent prendre l’initiative d’une proposition tendant au rétablissement du stathoudérat et ils éludèrent l’envoi d’une députation au prince d’Orange, qui leur était demandé par le conseiller Outshoorn.

La prudente réserve du premier bourgmestre, Henri Hooft, appuyée par l’échevin Bontemantel et par André de Graef, oncle de Jean de Witt, fit prévaloir une politique de temporisation. Les députés de la ville aux états ayant demandé des instructions sur la conduite à tenir, le conseil leur fit savoir qu’ils devaient s’abstenir de toute ouverture et ne les autorisa à donner un vote favorable qu’en cas d’unanimité de l’assemblée. Peu s’en fallut qu’André de Graef, auquel ce message avait été confié, dénoncé comme l’un des complices du parti de la paix et soupçonné d’être envoyé à La Haye pour ratifier les propositions du roi de France, ne fût la victime des violences populaires. Cette irritation se calma le lendemain,