empêché le parti orangiste de reprendre possession du gouvernement. Pendant dix-neuf années d’un grand ministère, il avait su, par la fermeté de sa conduite et la supériorité de son intelligence, surmonter tous les obstacles, déjouer les manœuvres de ses adversaires et conserver le gouvernement sans stathouder, tel qu’il avait été organisé en 1650, après la mort de Guillaume II. Scrupuleusement fidèle à son serment, qui l’obligeait à n’y laisser porter aucune atteinte, il s’était fait de la résistance au parti orangiste le plus impérieux devoir de sa charge. Toutefois, loin de traiter le jeune prince en ennemi, il ne lui avait pas ménagé les témoignages de respect et même d’affection. Il l’avait fait élever comme pupille des états de Hollande et avait lui-même dirigé son éducation jusqu’à ce que les obstacles de tout genre qui lui avaient été suscités l’eussent obligé à y renoncer. « Il peut arriver malheur à mon parti, disait-il avec un désintéressement patriotique qui l’honore, et il faut que ce jeune homme soit un jour en état de gouverner la république. » A mesure que le jeune prince grandissait, il avait espéré désarmer ses partisans, non-seulement en le faisant nommer conseiller d’état avant ses vingt ans révolus, mais encore en lui laissant attribuer le commandement en chef de l’armée et en lui donnant la plus fidèle assistance. Malheureusement pour lui, il n’avait pas su se faire un mérite de cette politique de conciliation. Quand les concessions étaient devenues inévitables, il les avait disputées, au lieu de hâter un accord, donnant ainsi un nouvel aliment aux inimitiés et aux ressentimens du parti orangiste.
Tous les coups destinés à le faire succomber dans une lutte qui devenait chaque jour plus inégale lui avaient été portés. Les progrès si rapides de l’invasion donnèrent contre lui le signal d’une explosion de haine implacable, en permettant d’exploiter pour le perdre la crédulité populaire. Vainement avait-il tout mis en œuvre pour la défense, pris les mesures pour la concentration de l’armée après les premiers désastres et préparé à l’avance le plan des inondations auxquelles la république dut son salut ; vainement, loin de se laisser décourager par les conquêtes de l’ennemi, avait-il tracé le fier programme de la résistance en écrivant cette mémorable dépêche qui n’est pas l’un de ses moindres titres d’honneur devant la postérité : « Nous devons nous servir d’Amsterdam comme du cœur de l’état pour porter secours à tous les membres, afin que, sous la garde de Dieu, nous disputions le pays à l’ennemi jusqu’au dernier homme et avec une constance bat ave… » de Witt n’en était pas moins accusé d’être devenu le complice du roi de France, et il était représenté comme le chef d’un grand complot, préparé depuis longtemps pour lui livrer les Provinces-Unies, afin d’empêcher que