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forcés de vendre une partie de leurs actions pour acquitter le terme échu des autres. Afin de prévenir la baisse qui aurait pu en résulter, les époques de versemens furent rendues trimestrielles, et elles furent prorogées : la première, au mois de décembre ; la deuxième, en mars ; et la troisième, en juin[1]. La banque s’engagea, d’ailleurs, à prêter à 2 pour 100 2,500 livres sur chaque action déposée, afin qu’aucun actionnaire ne fût embarrassé pour effectuer ses versemens. « Ces mesures successives soutenaient la confiance des actionnaires et secondaient à merveille l’enchantement du public[2]. »

En moins de trois mois, le nombre des actions a doublé, et le prix auquel elles se négocient a plus que décuplé : sur les 300,000 actions émises à 5,000 livres, un dixième seulement est versé, et 1,350 millions restent à payer en trois termes égaux de 450 millions chacun. Pour de telles opérations, de tels paiemens, de telles spéculations, les autorisations récemment données à la banque de créer pour 240 millions de billets, qui porteront sa circulation à 640, ne seront pas suffisantes ; il faut encore que la faveur avec laquelle seront reçus et circuleront de nouveaux billets réponde à la hausse des actions : dans cette vue, tous les moyens sont employés pour déprécier et discréditer les espèces métalliques. Les dispositions de l’arrêt du 25 juillet sont renouvelées et confirmées ; les créanciers pourront toujours exiger des billets de leurs débiteurs ; les rentiers et les créanciers de l’état pourront en exiger de la compagnie pour les remboursemens qu’elle a à leur faire ; la compagnie pourra en exiger des contribuables pour les impositions dont elle fait le recouvrement. Afin de dégoûter le public du numéraire, on imagine de frapper des pièces d’or et d’argent d’un titre très élevé, mais très faibles de poids : des quinzains d’or fin, de 65 5/11 au marc, courant pour 5 livres, et valant intrinsèquement 12 fr. 74 de notre monnaie, et des livres d’argent fin, de 65 5/11 au marc, comme les quinzains, courant pour 1 livre, et valant intrinsèquement 0 fr. 81 ; on pensait que des pièces d’un volume et d’un poids si minimes seraient peu agréables et peu commodes, et, en effet, leur fabrication fut si mal accueillie, que bientôt elle fut abandonnée[3]. Trois diminutions successives du cours des louis et des écus sont ordonnées en même temps : les louis seront réduits de 33 livres à 32, immédiatement ; à 31 livres, le 1er janvier ; à 30 livres, le 1er février ; et les écus, aux mêmes époques, de 5 liv. 16 s. à 5 liv. 12 s. ; à 5 liv. 8 s. ; à 5 liv. 4 s. Cette diminution des espèces, surélevées

  1. Arrêt du 20 octobre.
  2. Forbonnais, t. II, p. 603.
  3. Arrêt du 2 décembre 1719.