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a 160 millions de billets en circulation, et la compagnie d’Occident, devenue la compagnie des Indes, a émis 250,000 actions, qui, au cours de 1,000 livres, représenteront 250 millions, quand elles seront toutes libérées : les deux établissemens ont ainsi fait accepter par le public une valeur en papier de 410 millions, et c’est déjà beaucoup dans l’état du crédit et des fortunes privées. Six mois après, le 1er janvier 1720, les billets de la banque monteront à 1 milliard et la compagnie des Indes aura émis 624,000 actions, qui, évaluées 10,000 livres (et il s’en vendit à 15,000 et 18,000 livres), représenteront, quand elles seront toutes libérées, 6 milliards 240,000 livres ; avec les billets, 7 milliards 240,000 livres de valeurs entre les mains du public. La France se sera-t-elle donc enrichie, en six mois, de plus de 6 milliards et demi ? Quels seront et comment se seront formés ces trésors ?


IV

Pour parvenir à un résultat si extraordinaire, ce n’est pas trop que la banque et la compagnie combinent-leurs actes et unissent leurs efforts : trois jours consécutifs de la fin de juillet en offrent un frappant exemple. — Le 25 juillet, pour empêcher des retraits d’or qu’on commence à effectuer dans ses caisses, la banque obtient que le cours des louis soit réduit de 35 livres à 34 livres, ce qui abaisse à 14.22 le rapport entre l’or et l’argent, et en même temps elle est autorisée à émettre pour 240 millions de nouveaux billets : le même jour aussi, la compagnie obtient la concession de la fabrication des monnaies, avec ses profits, pendant neuf ans, moyennant 50 millions qu’elle paiera en quinze mois, à compter du 1er octobre prochain. — Le 26, la compagnie annonce à ses actionnaires, qu’à compter du 1er janvier le dividende sera de 60 livres par action : 12 pour 100 sur le pair de 500 livres. — Enfin, le 27, pour se procurer les 50 millions qu’elle doit au trésor, elle est autorisée à émettre 50,000 actions nouvelles, qui jouiront des mêmes avantages que les 250,000 anciennes, et qui seront acquises par les actionnaires au prix de 1,000 livres. Le dividende de 60 livres, annoncé la veille, assure encore un intérêt de 6 pour 100 aux actions qui seront payées 1,000 livres : si les espèces manquent pour le paiement des nouveaux titres, elles seront suppléées par les billets que, deux jours avant, la banque a été autorisée à émettre.

Ces 50,000 actions, qu’on appela les petites-filles, furent encore plus recherchées que ne l’avaient été les filles : on se disputait les actions anciennes, dès qu’il en paraissait sur le marché, afin de pouvoir souscrire aux actions nouvelles. — « Law faisoit merveille