Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une démission volontaire la retraite qui lui eût été imposée. Saint-Simon, qui prétend avoir conseillé la double nomination de d’Argenson, en donne deux motifs : d’un côté, l’ignorance du nouveau garde des sceaux en matière de finances semblait devoir laisser plus de liberté à Law et à son système ; d’un autre côté, un caractère énergique et un grand éloignement pour le parlement, avec lequel sa charge le mettait continuellement en hostilité, donnaient l’assurance qu’il ne faiblirait pas dans la lutte que le pouvoir allait avoir à engager, et ce motif explique aussi la retraite de d’Aguesseau.

Les effets de ces changemens ne tardèrent pas à se faire sentir. Depuis la réforme monétaire de décembre 1715, les monnaies avaient peu varié ; en 1716, le trésor avait cherché quelques ressources dans la fabrication de nouvelles espèces d’or, et les espèces d’argent n’avaient pas été modifiées. Mais un arrêt du 12 février 1718 commença à permettre de porter aux Monnaies les anciennes espèces non encore réformées avec un sixième en billets de l’état ou en billets des receveurs-généraux, et un autre arrêt du 26 abaissa le cours des anciens louis (de 30 au marc) de 20 livres à 18 livres, et le cours des anciens écus (de 8 au marc) de 5 livres à 4 livres 10 sols. Jamais on ne fut plus fondé à voir dans la baisse des espèces « le prélude sinistre d’une prochaine hausse. » Un édit de mai 1718 ordonne une refonte générale du numéraire et prescrit de fabriquer de nouveaux louis un peu plus lourds que les anciens, de 25 au lieu de 30 au marc, qui auront cours pour 36 livres au lieu de 18, et de nouveaux écus, de 10 au marc, un peu moins lourds que les anciens, qui courront pour 6 livres au lieu de 4 livres 10 sols. Pour subvenir aux dépenses de la guerre d’Espagne, on avait, en 1709, haussé le cours des espèces d’un tiers : on le hausse de près de moitié, et ce n’est pas pour procurer directement des ressources au trésor. L’édit expose simplement « que la somme considérable des billets de l’état qui restent en circulation et leur discrédit arrêtant le commerce, le roi a résolu d’y remédier en ordonnant une refonte et une nouvelle fabrication qui, en donnant aux porteurs de billets de l’état le moyen de les convertir en argent, diminuera la valeur des denrées et facilitera la levée des impositions[1], » et il prescrit de recevoir aux monnaies les anciennes espèces démonétisées à raison de 600 livres le marc d’or et de 40 livres le marc d’argent avec 2/5 en billets de l’état[2] : c’est une

  1. Manuscrit du ministère des finances.
  2. « Le marc des espèces démonétisées n’était reçu aux Monnaies que pour 600 liv. et 40 livres l’argent. Il était permis de porter deux cinquièmes en billets de l’état, de sorte qu’un marc d’or d’anciennes espèces n’étant reçu que pour 600 livres avec deux cinquièmes en billets, 240 livres, en tout 840 livres, on perdait, non-seulement la valeur des billets, mais encore 60 livres par marc d’or et l’argent à proportion. (Manuscrit du ministère.)