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poursuivies avec persévérance, n’avaient encore qu’une faible influence sur l’état général des finances. On avait espéré que les dépenses de 1716, y compris 10 millions pour l’intérêt des billets de l’état, ne dépasseraient pas 93 millions, et que le produit net des revenus publics atteindrait 75 millions, ce qui laisserait encore un déficit de 18 millions. Les économies projetées ne se réalisèrent qu’en partie et les dépenses montèrent à 141 millions : cette augmentation des dépenses et un retard de 32 millions dans la rentrée des impôts portèrent le déficit à 93 millions, et il fallut y pourvoir au moyen d’emprunts, d’anticipations et de quelques autres expédiens.

Cette situation ne permettait pas de commencer à entreprendre le remboursement des billets de l’état : on chercha à les éteindre au moyen de l’établissement d’une loterie, de la création de 1,200,000 livres de rentes viagères, de la vente et de l’engagement des petits domaines[1] ; mais l’établissement de la compagnie d’Occident vint leur offrir un débouché bien plus étendu.

Le commerce maritime et colonial était alors concédé, dans presque tous les pays d’Europe, à des associations qui en avaient le monopole : Richelieu et Colbert avaient établi, en France, des compagnies des Indes, de l’Acadie, du Canada, de Saint-Domingue, de la Chine, qui n’avaient pas prospéré. Une riche province de l’Amérique du Nord, la Louisiane, plus étendue que la France, traversée par l’un des plus grands fleuves du Nouveau-Monde, le Mississipi, avait été récemment découverte et concédée à un négociant riche et puissant qui, n’ayant pas réussi dans son entreprise, venait de renoncer à sa concession : le traité fait avec un autre négociant pour le commerce des castors dans le Canada expirait à la fin de l’année. Quand Law sollicitait le privilège de la banque, il avait écrit au régent « que ce n’étoit pas la plus grande de ses idées ; qu’il produiront un travail qui surprendroit l’Europe par les changemens qu’il porteroit en faveur de la France ; » ce fut pour réaliser ce projet qu’il demanda et obtint la concession de la Louisiane et de la traite des castors, en présentant habilement une combinaison qui avait pour résultat de convertir 100 millions de billets de l’état en rentes et d’affranchir le trésor de l’obligation de les rembourser.

Des lettres patentes d’août 1717 portent qu’il sera formé, sous le nom de Compagnie d’Occident, une société dans laquelle pourront entrer tous les Français, quels que soient leur rang et leur qualité, sans pouvoir être réputés avoir dérogé à leur titre, et aussi les. sociétés déjà établies, les corps et les communautés. — La compagnie d’Occident aura seule le droit de faire le commerce de

  1. Déclaration et édits d’août 1717.