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l’état, mais ne procuraient aucunes ressources pour les dépendes les plus urgentes et les plus nécessaires, comme la solde des troupes et le paiement des rentes, que le gouvernement avait déclaré ne pas vouloir laisser en souffrance. Ce ne fut pas sans regret que, pressé par cette nécessité, le duc de Noailles fit adopter le projet d’une nouvelle réforme monétaire, violant ainsi des promesses récentes et solennelles. Les abaissemens successifs du cours des espèces, après l’élévation de 1709, avaient pris fin le 1er septembre. Les louis étaient redescendus et 14 livres et les écus à 3 livres 10 sols ; ces réductions, qui avaient causé bien des ruines, n’étaient pas encore accomplies que déjà on craignait une hausse prochaine qui causerait des ruines nouvelles, et pour dissiper ces craintes Louis XIV avait affirmé (déclaration du 13 août 1715) qu’il était résolu « à laisser à l’avenir les espèces d’or et d’argent sur un pied fixe et immuable. « Depuis sa mort, un arrêt du conseil du 12 octobre avait renouvelé et consacré cet engagement. Cependant, deux mois après, un édit de décembre 1715 ordonne que les espèces de la refonte de 1709 seront portées aux hôtels des monnaies, « pour être remarquées sans être refondues, » et que les espèces réformées circuleront, les louis pour 20 livres et les écus pour 5 livres : on revient aux cours de 1709. Jusqu’au 1er mars 1710, les louis seront reçus aux Monnaies pour 16 livres et les écus pour 4 livres : ce délai écoulé, on ne les prendra plus que pour 14 livres et 3 livres 10 sols. Mais cette diminution ultérieure n’était annoncée que pour engager le public à se presser de porter son numéraire aux Monnaies, et des prorogations successives furent accordées. La réforme avait pour effet de rehausser les espèces de 3/10, 1/10 laissé au public, et 2/10 réservés au roi. On estimait qu’il devait y avoir, aux cours de 20 livres et de 5 livres, 1 milliard de numéraire en circulation et on comptait sur un bénéfice de 200 millions : 379 millions seulement furent réformés et le profit du trésor ne dépassa pas 79 millions, qui furent affectés aux dépenses publiques.

De toutes les résolutions prises par le gouvernement de la régence aucune ne fut plus grave par le trouble et l’inquiétude qu’elle jeta dans les esprits comme dans les fortunes, que la création d’une chambre de justice qui, composée des officiers de plusieurs cours, fut chargée de connaître des abus et des crimes commis dans les finances « par quelques personnes que ce fût, » et de prononcer contre elles des peines corporelles et pécuniaires, la confiscation, la prison et la mort (édit de mars 1716). La procédure de ce tribunal extraordinaire fut exceptionnelle comme lui. Ses justiciables devaient déclarer la valeur de leurs biens, et toute déclaration fausse, ou seulement inexacte, était punie des galères. Les délateurs étaient encouragés par l’attribution du cinquième des confiscations qui