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romaine, n’avait de maîtres que dans les deux capitales de l’empire et à l’école de Béryte (Beyrouth), qui paraît lui avoir été spécialement consacrée. Quant à l’enseignement philosophique, il n’existait alors d’une manière sérieuse que dans Athènes. On peut dire que la philosophie n’a pas pu vaincre tout à fait la répugnance que les Romains ont témoignée pour elle dès le premier four, et que, malgré les efforts de Cicéron et des autres, elle n’est jamais entrée dans le cercle régulier des études. C’est une science complémentaire qui plait à quelques curieux et que la masse du public a de bonne heure délaissée. Nous voyons qu’au temps des Antonins, où elle brille encore de tant d’éclat, les empereurs hésitent à comprendre les philosophes parmi ceux auxquels ils accordent l’exemption des– charges municipales. Ils prétendent d’abord qu’ils sont si peu nombreux qu’il est inutile de les mentionner ; puis ils ajoutent que, comme ils font profession de mépriser la richesse, il ne faut pas trop les enrichir. C’est un prétexte facétieux qui permet au législateur de leur refuser les privilèges qu’il accorde aux autres maîtres de la jeunesse. À partir du IIe siècle, la vogue de la philosophie décline de plus en plus. Le triomphe du christianisme lui porte le dernier coup, et saint Augustin nous dit que, de son temps, elle n’est presque plus enseignée nulle part. Il ne reste donc, dans les écoles ordinaires, que des grammairiens et des rhéteurs.

C’est seulement de grammairiens et de rhéteurs que se composait cette école de Bordeaux, que nous connaissons mieux que les autres, grâce à Ausone, qui nous en a beaucoup parlé. Il y avait été élève, puis maître pendant trente ans. Vers la fin de sa vie, il se plaisait, ainsi que tous les vieillards, à revenir aux souvenirs de sa jeunesse, et, comme il était versificateur incorrigible, il s’amusait à les raconter en vers. Un jour, il eut l’idée de chanter la mémoire de tous les parens qu’il avait perdus et d’en composer un poème qu’il appela Parentalia, sorte de nécrologe où il ne nous fait pas grâce des cousins les plus éloignés. Une autre fois, ce fut le tour de ses anciens professeurs. Il les énumère tous, l’un après l’autre, et consacre à chacun d’eux une pièce de vers plus ou moins longue, selon leur mérite et leur célébrité. Cette revue nous paraîtrait fort monotone si elle ne nous donnait quelques détails sur ce personnel des écoles du Ive siècle que nous cherchons à connaître.

Nous y voyons d’abord figurer des grammairiens grecs et latins ; les deux langues classiques ont continué d’être la base de l’enseignement officiel. Il est pourtant visible que, dans les pays occidentaux, l’étude du grec commence à n’être plus aussi florissante. Ausone, tout en rendant justice au talent des grammairiens grecs de Bordeaux, s’accuse d’avoir peu profité de leurs leçons. Il ajoute