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payées par l’état. Mais est-ce tout ? Ces chaires, rares, isolées, cet enseignement d’exception, suffisent-ils pour expliquer ces expressions générales dont se servent les historiens ? Des phrases comme celles-ci : salaria instituit, salaria detulit per provincias, semblent bien indiquer qu’il s’agit d’un système étendu d’éducation ; elles paraissent s’appliquer à tout l’ :empire, et nom à quelques villes privilégiées. Il est donc vraisemblable que ces princes avaient réglé que les professeurs de toutes les écoles publiques recevraient un salaire ; seulement ce salaire, ce n’était pas l’état qui devait le donner, c’étaient les villes où ces écoles étaient établies : elles profitaient de l’enseignement ; il était naturel qu’on le leur fit payer. L’empereur leur en imposa la charge, comme il en avait le droit. La loi qui l’autorisait à supprimer les libéralités des villes quand elles lui paraissaient inutiles, lui permettait de les contraindre à celles qui lui semblaient nécessaires. C’est en vertu de ce pouvoir qu’il put ordonner qu’elles supporteraient les dépenses de leurs écoles. Les historiens ont donc raison de dire d’Antonin, d’Alexandre Sévère, etc., qu’ils établirent des traitemens pour les maîtres : salaria instituit, salaria detulit ; ils auraient dû seulement ajouter que ce traitement n’était pas fourni par les princes eux– mêmes, mais par les villes, et que leur générosité ne leur coûtait rien. Et si nous voyons cette mention reparaître sous plusieurs règnes successifs, c’est que les villes ne payaient pas volontiers– et qu’elles ont essayé souvent de se soustraire au fardeau dont on les avait chargées sans les consulter.

Ainsi, dans quelques villes importantes, quelques chaires en petit nombre fondées et dotées par l’état ; dans toutes les autres, c’est-à-dire à peu près dans l’empire entier, des écoles entretenues aux frais des municipalités : tel était le régime sous lequel a vécu l’enseignement public jusqu’au Ve siècle. Je ne sais pourquoi l’on en a douté : tous les documens l’attestent. Libanius, dans le discours, qu’il a prononcé en faveur des rhéteurs d’Antioche, affirme qu’ils n’avaient d’autre rétribution fixe que celle que la ville leur payait. Lorsque Constance Chlore nomma son secrétaire Eumène à la direction de la grande école d’Autun, il lui attribua un traitement considérable, qui devait être pris sur les finances de la ville : ex viribus hujus reipublicæ. Cet exemple nous montre que l’empereur ne s’interdisait pas tout à fait de s’ingérer dans les affaires de l’enseignement, et l’on pourrait prétendre qu’à cette époque déjà les écoles ressortissaient jusqu’à un certain point au pouvoir central. Mais, comme elles étaient entretenues par les villes, qui fournissaient à leurs dépenses, il s’ensuivait qu’elles avaient surtout, aux yeux de tout le monde, un caractère municipal. C’est ce que dit Ausone en propres termes lorsque, rappelant les trente années qu’if a passées à Bor-