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tous les secrets de son art. Il parlait avec autorité, il écrivait avec talent. Il eut pour élèves Pline le jeune, peut-être Tacite, et Martial l’appelle le chef et le guide de la jeunesse,


Quintiliane, vagæ moderator summe juventæ.


L’effet de ses leçons fut considérable, s’il est vrai, comme on le pense, qu’elles contribuèrent à changer le goût public et ramenèrent les jeunes gens de l’admiration de Sénèque à celle de Cicéron.

Est-il vrai pourtant, comme on l’a quelquefois supposé, que les libéralités de Vespasien se soient étendues à l’empire entier et qu’il ait établi partout l’enseignement de l’état ? Les paroles de Suétone pourraient le faire croire au premier abord ; mais il ne faut pas les prendre à la lettre. L’élévation même du traitement accordé aux rhéteurs nous prouve qu’il ne s’agit que des rhéteurs de Rome. Il n’était pas possible que toutes les chaires fussent rétribuées de la même façon et qu’un professeur de petite ville touchât le même salaire que Quintilien. De plus, si Vespasien avait prétendu créer d’un seul coup un grand système d’enseignement qui s’étendît à tout l’empire, ce système lui aurait sans doute survécu ; nous en retrouverions des traces après lui, et ses successeurs n’auraient eu qu’à maintenir son œuvre, tandis que nous les voyons toujours recommencer, comme s’il n’y avait rien de fait avant eux. D’Hadrien à Antonin, en nous dit, comme de Vespasien, « qu’ils établirent des traitemens pour les grammairiens et les rhéteurs ». Marc Aurèle institua, plusieurs chaires de philosophie dans Athènes ; les quatre grandes doctrines, celles de Platon et d’Aristote, d’Épicure et de Zénon, y furent enseignées par des maîtres qui recevaient dix mille drachmes par an (près de 9.000 francs.) — Ne nous étonnons pas qu’il ait été moins généreux que Vespasien : c’était un traitement de province. — Alexandre Sévère, si nous en croyons Lampride, fit encore plus. Non seulement il fixa, comme ses prédécesseurs, un salaire pour les maîtres, mais il leur bâtit des écoles et il eut l’idée de les pourvoir d’élèves en donnant des pensions à des enfans pauvres qui purent ainsi suivre leurs cours. C’est donc à lui que remonte l’institution des boursiers.

Essayons de nous rendre compte de ce que les historiens veulent dire dans ces divers passages que je viens de citer. Qu’étaient ces fondations impériales dont ils nous entretiennent ? Qu’ont fait véritablement pour l’enseignement public les princes dont ils vantent la générosité ? D’abord, il n’est pas douteux que quelques-uns d’entre eux, Vespasien, Marc Aurèle, n’aient fondé, dans quelques villes importantes, comme Athènes et Rome ; quelques chaires qui étaient