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tous les jours, dans des lieux que ne fréquentait pas le beau monde, des inscriptions si grossières qu’on voit bien que ce sont des gens de la lie du peuple qui les ont gravées. Dans l’armée, le mot d’ordre, au lieu d’être transmis de vive voix, était écrit sur des tablettes, et passait des mains des centurions dans celles des derniers sous officiers : on était donc certain qu’ils sauraient le lire.

D’ordinaire, l’école du primus magister, comme celle du grammairien et du rhéteur quand ils étaient pauvres, était installée dans un de ces hangars couverts qu’on appelait pergulæ et qui servaient d’ateliers aux peintres. Ils se trouvaient quelquefois relégués au plus haut de la maison, et le maître pouvait dire alors, comme Urbilius, qu’il enseignait sous les toits. Mais le plus souvent ils étaient au rez-de-chaussée et formaient des espèces de portiques qui bordaient la rue. C’est là que l’école s’établissait tant bien que mal. Pour se mettre à l’abri de l’indiscrétion des voisins, on se contentait de tendre quelques toiles d’un pilier à l’autre. Ces toiles cachaient aux élèves les mouvemens de la rue, mais elles n’empêchaient les bruits de l’école d’arriver aux passans. Ils entendaient les élèves répéter en chœur : « Un et un font deux » ; « deux et deux font quatre. L’horrible refrain » ! odiosa cantio ! dit saint Augustin, qui avait conservé de ces premières études un fort désagréable souvenir. Ces cris insupportables exaspéraient aussi Martial, et il les mettait parmi les raisons qui lui rendaient le séjour de Rome odieux. « Il est impossible d’y vivre », disait-il ; « le matin, on est assassiné par les maîtres d’école et le bruit par les boulangers ». En général, le mobilier de l’établissement était fort simple. Les plus pauvres se contentaient de quelques bancs pour les élèves et d’une chaise pour le maître. Quand on pouvait, on y joignait des sphères ou des cubes pour mettre sous les yeux des écoliers les figures de géométrie[1]. Un grand luxe consistait à tapisser les murs de cartes géographiques. Dans les années heureuses d’un Trajan, d’un Marc Aurèle, d’un Dioclétien, les élèves y suivaient le mouvement des armées, et l’on nous dit que le maître éprouvait un sentiment de fierté patriotique à leur montrer que l’étendue de l’empire égalait presque celle du monde.

Une peinture murale, qui a été trouvée à Pompéi et qui est aujourd’hui au musée de Naples, nous fait assister à une scène curieuse de la vie des écoliers romains au Ier siècle. Nous avons sous les yeux une école, placée sous un portique que soutiennent des colonnes élégantes reliées entre elles par des guirlandes de

  1. On peut voir, pour ces détails, l’ouvrage de Grassberger intitulé Erziehung und Unterricht im classischen Alterthum. C’est un livre mal composé, mais qui contient tous les renseigaemens que les anciens nous ont laissés.