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plus rien à craindre de la prépotence sacerdotale. L’église ne menace pas l’état. Entre l’ordre civil et l’ordre religieux il y a d’ailleurs un traité qui depuis plus de quatre-vingts ans a donné la paix confessionnelle à la France, qu’il n’y a qu’à maintenir et à exécuter en toute sincérité. C’est une situation légale où il y a certes pour l’état toutes les ressources de défense légitime, et quand dans ces conditions on se fait un jeu de réveiller toutes les passions, non plus seulement contre les empiétemens de l’église, mais contre les croyances religieuses, ce n’est plus de la politique, c’est tout simplement l’esprit de secte abusant d’une victoire d’un jour pour se faire persécuteur, compromettant la république dans les entreprises de son fanatisme. M. le président du conseil semble parfois comprendre le danger auquel on expose la république, nous le voulons bien ; il serait peut-être jour la paix. Malheureusement, comme il a donné lui-même trop de gages à ce fatal esprit qui règne aujourd’hui, il est assez embarrassé ; il est le captif de ses complices, et malgré lui la guerre se ravive à tout instant, à tout propos. C’est devenu une véritable monomanie chez certains hommes qui finissent réellement par tomber dans le ridicule avec leurs haines puériles et leurs violences vulgaires. Devant le mot de cléricalisme, ils perdent tout sang-froid. Il n’est pas jusqu’à M. le ministre de la guerre, qui n’ait cru devoir montrer l’autre jour qu’il n’était pas un clérical en refusant quelques aumôniers à de modestes écoles d’enfans de troupe, Qu’il s’agisse du service religieux dans l’armée, il faut se hâter d’effacer ce vestige de l’intolérance et ne pas même laisser les soldats entrer dans une église pour rendre les honneurs à un mort. On dit plaisamment que, c’est pour respecter la liberté de conscience des soldats, comme si la liberté de conscience était en jeu dans un service commandé ! Qu’il s’agisse d’une loi d’organisation municipale comme celle que le sénat discute en ce moment, l’esprit de secte veille et fait son œuvre ; il trouvera le moyen de frapper de pauvres fabriques de paroisse, qu’il privera d’une modique dotation communale ou de livrer des édifices religieux au bon plaisir des municipalités radicales, qui en changeront la destination si elles le veulent. C’est l’enseignement « laïque » surtout qui est le grand et perpétuel objet de cette guerre poursuivie sous les ordres de M. Paul Bert, le Pierre l’Ermite de la croisade. Pour la « laïcité » il n’est rien qu’on ne fasse ; les républicains sont prêts à tout sacrifier, et les traditions libérales et le budget ; on le voit bien par cette loi sur la nomination et le traitement des instituteurs primaires qui se débat depuis quelques jours au Palais-Bourbon, qui a du moins l’avantage de mettre assez vivement en relief l’esprit politique et les procédés financiers des réformateurs.

Ou veut à tout prix fonder l’enseignement « laïque » pour les enfans des deux sexes. Ce que c’est que l’enseignement « laïque » dans des