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cour fédérale contre les décisions que rendraient les cours de l’état sur des procès impliquant la validité de l’ordonnance de nullification. Tous les fonctionnaires et les jurés devaient prêter serment d’obéir à cette ordonnance ainsi qu’à tous les actes de la législature qui en seraient la conséquence. Le dernier article portait que, si le gouvernement des États-Unis tentait de recourir à la force pour assurer l’exécution des tarifs existans, la Caroline du Sud ne se considérerait plus comme faisant partie de l’Union. « Le peuple de cet état se tiendrait en conséquence pour dégagé désormais de l’obligation de conserver les liens politiques qui le rattachent au peuple des autres états : il procéderait donc à l’organisation d’un gouvernement séparé et ferait tous les actes que les états souverains et indépendans.ont le droit de faire. »

La législature prit immédiatement les mesures nécessaires pour assurer la mise à exécution de l’ordonnance : elle annula les saisies opérées par les agens de la douane, appela la milice et les volontaires et autorisa l’achat d’armes.

De son côté, le président ne restait pas inactif. Il avait envoyé deux navires de guerre devant Charleston et avait donné au général Scott l’ordre de se rendre dans cette ville. Le 11 décembre, il adressa au peuple de la Caroline du Sud une proclamation dont Livingston était l’auteur et qui, par les doctrines dont elle contenait l’expression autant que par l’élévation de la pensée et la patriotique émotion dont elle était empreinte, se distinguait de la plupart des documens publics auxquels Jackson avait jusqu’alors attaché son nom. La théorie de la souveraineté des états y était énergiquement condamnée. « Je considère, disait le président, que le pouvoir que s’attribue un état d’annuler une loi des États-Unis est incompatible avec l’existence de l’Union, en contradiction formelle avec le texte de la constitution et en opposition avec son esprit, inconciliable avec tous les principes qui en sont la base et destructrice du grand objet pour lequel elle a été faite. » Soutenir une telle doctrine, « c’est dire que les États-Unis ne sont pas une nation. » La proclamation se terminait par un chaleureux appel au patriotisme des citoyens : « Concitoyens, habitans de l’état qui m’a donné le jour, ce n’est pas seulement le premier magistrat de notre commune patrie qui vous avertit de ne pas vous exposer aux peines édictées par ses lois : laissez-moi m’adresser à vous comme un père s’adresserait à ses enfans qu’il verrait courir à leur perte… Voyez quel est l’état de ce pays dont vous formez une fraction importante : considérez son gouvernement qui réunit tant d’états différens par les liens d’un intérêt commun et d’une protection générale, qui donne à tous les habitans le noble titre de citoyen américain… Regardez ce tableau d’honneur et de prospérité et dites : Nous aussi,