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vie à former, et qui n’est pas moins riche d’ailleurs au point de vue littéraire qu’au point de vue philosophique.

Pour conclure, nous ramènerons à trois points les services rendus par Victor Cousin à l’histoire de la philosophie : 1° il a constitué cette science et il en a établi les principes généraux et la haute valeur en la rattachant à l’histoire en général et à la philosophie elle-même ; 2° il l’a enrichie à l’aide de publications grandioses (Descartes, Platon, Proclus, Abélard), auxquelles seul il a pu donner par sa gloire même la possibilité de voir le jour ; et en particulier, par une fine érudition de détail, il a éclairé quelques-uns des points les plus particuliers de l’histoire des sciences philosophiques, notamment du cartésianisme : ainsi le détail s’est joint, chez lui, à la généralité ; 3° il à suscité une école d’historiens tous animés du même esprit d’impartialité, et qui ont apporté à l’histoire de la philosophie les méthodes les plus sûres et les plus précises.

Il resterait à signaler un dernier point, et le plus important de tous, à savoir l’emploi de l’histoire de la philosophie comme méthode de la philosophie elle-même ; mais cela touche à la philosophie plus qu’à l’histoire : c’est le centre de tous les travaux de Cousin, c’est l’idée même de l’éclectisme. Ce sera l’objet de notre conclusion ; mais auparavant, considérons-le encore une dernière fois sur le terrain de la philosophie théorique.


II

Personne n’ignore que, dans la seconde partie de sa vie, Victor Cousin a plus ou moins modifié et corrigé les doctrines de la première période. Lui-même, tout en atténuant autant qu’il a pu ces changemens et en cherchant à sauver le plus possible l’unité de sa vie philosophique, n’a jamais nié cependant que sur quelques points au moins, sur quelques opinions imprudentes, il avait dû se rétracter. Quelle a été au juste la portée de ces changemens ? Y a-t-il eu deux philosophies distinctes, ou une seule légèrement modifiée quant à la forme ? S’il y a eu deux philosophies, quel est le lien qui les unit, la différence qui les sépare ? Quel est le nœud, le secret de cette transformation ? Par quels passages et par quels degrés s’est-elle opérée ? C’est ce que nous voulons maintenant examiner.

Rappelons d’abord les principes que nous avons établis au début de ce travail. Deux traits principaux, avons-nous dit, caractérisent l’entreprise philosophique de Victor Cousin : la restauration de la métaphysique, et, en métaphysique, la restauration de l’idéalisme platonicien.

Cela posé, nous pouvons dire que l’idéalisme platonicien a été et