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aujourd’hui, s’était contenté de monographies (comme il en faisait d’ailleurs aussi) il eût laissé quelque bon travail de plus à l’érudition : il n’eût point fondé une science.

La seconde partie du cours de 1829 est l’analyse et la critique de la philosophie de Locke. Cette partie est plutôt, sous une forme historique, une œuvre de philosophie dogmatique. C’est l’idéalisme aux prises avec le sensualisme. Cousin cherche beaucoup plus à réfuter Locke qu’à relever les parties vraies de son système. Dans un véritable éclectisme, il nous semble, que l’exposition doit être séparée de la critique et que le système doit être d’abord reproduit dans toute sa force, sauf à passer plus tard à la réfutation. Cousin ici n’imite pas assez Leibniz, qui, à chaque proposition de Locke, ajoute toujours : Cela peut être pris dans un bon sens. Notre auteur ne procède pas ainsi, et il prend presque toujours tout dans un mauvais sens. C’est ainsi qu’au lieu de tenir grand compte, comme Leibniz, de cette grave concession de Locke, que la moitié de nos idées vient de la réflexion, il le réduit le plus qu’il peut au sensualisme pur. C’était manquer, par entraînement de controverse, au principe même de son système ; Cousin entrait déjà dans cette voie qui a été celle de sa dernière phase philosophique, à savoir la tendance à insister beaucoup plus sur ce que les systèmes ont de faux que sur ce qu’ils ont de vrai.

Passons à une nouvelle période. Nous sommes en 1830 : Cousin cesse d’enseigner. Il renonce à la philosophie théorique ou n’y revient que pour modifier et corriger, nous le verrons, ses premières idées. Mais il ne cesse pas de travailler pour l’histoire de la philosophie. Son œuvre la plus considérable en ce genre est la grande publication des Œuvres inédites d’Abélard, et entre autres du Sic et Non, qu’il fait précéder d’une introduction magistrale. Cette introduction pose avec largeur et précision le problème de la philosophie du moyen âge. Le traducteur de Platon, l’éditeur de Descartes, le restaurateur de la philosophie d’Alexandrie, oubliée depuis Marsile Ficin, est encore celui qui réveille de ses cendres la scolastique ensevelie depuis Descartes. Tout ce qui s’est fait depuis ce temps en France sur la philosophie du moyen âge a eu pour origine la publication de Cousin. Ajoutons qu’au volume des Œuvres inédites d’Abélard, publié en 1836, Cousin ajouta plus tard, en 1868, à ses frais, deux autres volumes d’œuvres complètes, déjà publiées mais non encore rassemblées. À ces travaux sur Abélard il faut joindre encore ce qu’il a écrit sur Roger Bacon et sur l’Opus tertium de cet auteur, récemment découvert dans une bibliothèque de province.

Aux travaux qui portent sur le moyen âge ajoutons ceux qui ont pour objet le XVIIe siècle, surtout ses recherches aussi neuves que