Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alors que celui de la rente analogue déjà existante n’avait été porté un peu au-dessus de 78 que dans les derniers jours de février, à la suite d’un très puissant effort de spéculation.

À cette première faute, d’autres moins graves, quoique encore assez importantes, ont été ajoutées. L’auteur de l’arrêté ministériel semble avoir été préoccupé avant tout de la part excessive que prend habituellement la spéculation dans les emprunts d’état, et désireux de réduire cette part au strict minimum.

Ainsi, le taux d’émission était trop élevé pour le public capitaliste, et toutes les conditions de l’emprunt ont paru dirigées contre la spéculation.

La spéculation s’est donc désintéressée de l’emprunt, en même temps que le public ne paraissait nullement enthousiaste. Un moment même, on put craindre que la Bourse ne prît une telle attitude que la souscription fût mise en danger, et c’est alors, presque au dernier jour, que le ministère des finances se décida à concéder aux banquiers une commission. Cette résolution, bien que tardive, eut cependant pour résultat de soutenir les cours jusqu’au 12, et c’était là le point essentiel. La nouvelle rente, qui avait été d’abord demandée à 1 franc et 1 fr. 50 au-dessus du taux d’émission encore inconnu, ne faisait plus que 25 ou 30 centimes de prime. Cependant, la somme demandée au public n’était pas relativement élevée, on ne mettait pas en doute que la souscription ne fût entièrement couverte par les demandes de titres libérés ; mais il fut, d’autre part, admis qu’il ne saurait être question d’un succès réel et décisif pour la situation du marché que si les souscriptions libérées couvraient au moins trois ou quatre fois le montant total de l’emprunt.

Les résultats sont restés fort au-dessous de ce chiffre. Il a été demandé 22 millions de rente en titres libérés et versé, par conséquent, une somme de 565 millions. L’emprunt a donc été couvert moins de deux fois, exactement 1 3/5. Mais si l’on songe que les bons du trésor récemment émis étaient acceptés comme espèces et que la somme représentée par ces bons dans la souscription est probablement de 200 à 250 millions, on voit que la souscription véritable, celle qui s’est faite argent comptant contre titres libérés, atteint à peine le chiffre même de l’emprunt. Quant aux souscriptions non libérées qui ont porté sur 22 millions de rente et produit, à titre de premier versement, une somme de 58 millions, il n’y a pas à en tenir compte puisqu’elles seront considérées comme absolument nulles et que les fonds seront simplement remboursés.

La connaissance de ces résultats a produit à la Bourse l’effet qu’on en pouvait attendre. La baisse a été immédiate. Les trois rentes anciennes ont fléchi de 0 fr. 60 environ, et, quant à la nouvelle, admise le jour même aux transactions sur le marché officiel, elle s’est