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DON JUAN D'AUTRICHE

I. Don Juan d’Autriche, par sir William Stirling Maxwell, 2 vol. Londres, 1883. — II. Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, publiée par M. Gachard.

Don Juan d’Autriche est un véritable héros de roman. Dans ce XVIe siècle, si fécond en figures étranges, glorieuses et terribles, sa figure tient une place à part. Fils naturel du plus grand monarque de son temps, il apparaît dans l’histoire sans y laisser de place durable, à la façon d’un météore qui brille un moment du plus vif éclat et qui rentre subitement dans la nuit. La fortune lui donna, comme du premier coup, un rang qu’il fut impuissant à soutenir : il eut de la grandeur de son père sans en avoir le sérieux, les vues profondes et la force d’âme ; on ne peut s’empêcher de voir en lui je ne sais quoi de superficiel, de théâtral et de faible qu’il tenait sans doute de sa mère, une chanteuse de basse extraction. Il reçut une part seulement des qualités de Charles-Quint, laissant l’autre part à Philippe II ; le fils naturel resta fragmentaire et incomplet comme le fils légitime, qui, sans avoir le génie paternel, hérita pourtant des attributs les plus royaux, de la constance dans la mauvaise fortune, de la ténacité lente, de l’ambition qui défie le temps. Contraste singulier ! moins étrange après tout que cet autre contraste entre l’oncle et le neveu, entre don Carlos et don Juan. L’histoire véritable nous montre, en effet, le premier aussi odieux que le second était aimable et séduisant ; elle ne laisse subsister entre eux qu’une ressemblance, une fin malheureuse et prématurée.

Avant d’entrer dans notre sujet, il faut que nous disions quelque chose de sir William Stirling Maxwell, l’auteur de la Vie de don Juan d’Autriche, qui vient de paraître. William Stirling de Keir, issu d’une vieille famille écossaise, naquit en 1818 : il subit de bonne