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comme s’il se fût agi d’une fête. Le commandant en chef de l’armée coréenne parut assis à l’intérieur sur un siège central, entouré d’une foule nombreuse d’officiers coréens en grande tenue, armés d’arcs et de flèches. Au dehors, étaient un grand nombre de soldats coréens vêtus de couleurs bleues et rouges. Près du commandant en chef se tenait un général qui transmettait les ordres. La musique coréenne joua un air national jusqu’au moment où trois coups de canon retentirent ; ensuite vint le bourreau, qui, après s’être incliné jusqu’à terre devant le commandant en chef, leva son bâton. Le calme le plus imposant ne cessa de régner jusqu’à l’entrée des criminels. Ils étaient attachés avec des cordes et amenés dans des chaises à porteurs. Les geôliers les saisirent par les cheveux et les traînèrent devant les Japonais. Quand le moment de l’exécution fut venu, l’un des prisonniers cria à haute voix qu’il n’avait pas pris part à l’émeute et qu’il n’en savait pas le premier mot. Un autre se répandit en pleurs, disant qu’il avait chez lui un fils et qu’il souffrait beaucoup à la pensée de savoir son enfant sans soins paternels. C’était une scène navrante. Les exécuteurs, selon l’usage, percèrent de deux flèches les oreilles des criminels, puis, après leur avoir jeté beaucoup d’eau à la face, ils les saupoudrèrent de chaux. C’était le signal de l’exécution. Les bourreaux commencèrent alors à frapper les têtes, qui ne devaient tomber qu’après treize coups donnés par des sabres émoussés. Elles furent disposées sur une table et montrées une à une au commandant en chef. Cela fait, on les jeta avec les corps dans des fosses. La musique recommença à jouer l’hymne national.

Le vrai coupable, le père du jeune roi, n’a pas été décapité, l’on s’en doute bien, mais c’est sur lui que retombe le sang des suppliciés, dont plusieurs étaient probablement innocens. Il est exilé dans une ville chinoise, d’où, sur le désir exprimé par son royal fils, il sortira une fois par an pour revoir la capitale. Les Japonais ont pu paraître satisfaits tout d’abord d’une réparation promptement accordée, mais ils ont réfléchi depuis lors et ils restent persuadés aujourd’hui qu’une fois encore ils ont été joués par les Chinois.

Les États-Unis d’Amérique ont été les premiers, comme nous l’avons dit, en dehors de la Chine et du Japon, à obtenir un traité du gouvernement coréen. Nous allons le résumer car il servira de base sans doute aux traités des autres puissances. Les Allemands, qui ont le leur aussi, ont été plus favorisés, nous assure-t-on, que les Américains ; jusqu’à présent, rien ne le prouve. Nous devons faire remarquer que les négociations ont été faites par l’intermédiaire de la Chine ; cette puissance prévoyait que, si la Corée restait encore quelques années isolée, elle tomberait sous la domination des Russes ou sous celle des Japonais, ce qui eût compromis forte-