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si communes au Japon, sont inconnues en Corée, les indigènes prennent quelques bains froids dans les ruisseaux pendant les mois de l’été, mais il n’est pas permis aux femmes de se baigner plus de trois fois par an. Les barbiers y sont inconnus, hommes et femmes arrangent eux-mêmes leurs cheveux. Un Chinois ne peut vivre sans parapluie : un Coréen en ignore complètement l’utilité. Les lanternes y sont inconnues ; la nuit, la torche est en usage, et s’il pleut, on ne s’éloigne jamais des maisons. Les coolies les plus misérables se réfugient dans leurs huttes dès que tombe une averse et refusent de travailler, même si on leur offre un salaire supplémentaire. Il est vrai que les malheureux n’ont qu’un vêtement et que, s’ils le laissent se mouiller, ils sont obligés de rester complètement nus jusqu’à ce qu’il soit sec.

Les Coréens sont doux de caractère, très polis dans leur langage et même flatteurs. À ceux qui leur demandent comment ils vont, ils répondent : « Grâce à la faveur que vous me faites en m’adressant cette question, ma santé est bonne. » Un malade dit à la personne qui vient le visiter : « Grâce à votre visite, je me sens mieux. » S’adressent-ils aux Japonais, les seuls étrangers avec lesquels ils aient été en rapport depuis trois ans, ils commencent toujours par ces mots : « Vous êtes si savans ! » ou : « Vous êtes si grands ! » Un Coréen, rencontrant un enterrement, arrête le cortège et, s’approchant du cercueil, dit : « Je regrette profondément la perte de cet homme vertueux, » même s’il n’a jamais connu le défunt.

M. Ch. Dallet, dans son intéressante Histoire de l’église de Corée, nous apprend qu’en Corée, — comme du reste dans beaucoup d’autres contrées asiatiques, — les mœurs sont effroyablement corrompues et, par une conséquence toute naturelle, la condition de la femme est un état d’abjection et d’infériorité choquantes. « Elle n’est pas la compagne de l’homme, dit-il, elle n’est qu’une esclave docile, un instrument de plaisir et de travail, à qui la loi et les mœurs ne reconnaissent aucun droit et, pour ainsi dire, aucune existence morale. C’est un principe partout admis, consacré par les tribunaux, que toute femme qui n’est pas sous puissance de mari ou de parens est, comme un animal sans maître, la propriété du premier occupant. »

Les femmes n’ont pas de nom. On leur donne parfois celui de la province où elles sont nées ; quelquefois on les appelle : la Maison d’un tel, — celle du mari. Quand une femme est citée devant un tribunal, le juge lui donne un nom d’office, mais seulement pendant le temps que dure le procès. On ne cesse de répéter aux garçons qu’il est honteux pour un homme de demeurer dans l’appartement des femmes et, jeunes encore, on les voit se refuser à mettre les pieds dans les parties du logis où vivent leurs mères et leurs