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posant un territoire sans nom, où les bandits de la Corée, de la Mandchourie et de la Chine vivent, à l’exemple des trop fameux Pavillons Noirs du Tonkin, de brigandage et sont en rébellion ouverte contre les autorités de ces trois pays. Ce fut de la partie sud-orientale de ce district peu connu, de ces immenses plaines parsemées de lacs, de marais, de bois fourrés, de collines desséchées, qu’à la fin du xiie siècle les Tatares, les Mongols et les Huns s’élancèrent pour conquérir l’Asie occidentale et une grande partie de l’Europe. Aujourd’hui, un mouvement contraire se produit, et ce sont des Russes, des Anglais, et des Français qui cherchent à faire prévaloir leur influence dans l’extrême Orient.

L’agriculture est en honneur en Corée comme elle l’est en Chine, et, cependant, beaucoup de montagnes, celles du nord surtout, sont encore couvertes de forêts de bouleaux, de pins rachitiques et de hêtres ; les montagnes seraient tout à fait vierges de semences si les catholiques indigènes n’y étaient venus, par crainte de la persécution religieuse, y porter des graines. Dans les vallées, on récolte le riz, le millet, et beaucoup de plantes textiles, surtout le chanvre, dont de vastes champs sont couverts. Sur les versans des montagnes qui touchent aux zones tempérées, s’élèvent, forts et vigoureux, des conifères, des lauriers, des chênes, des ormes, des châtaigniers, des noyers et d’admirables camélias arborescens. C’est le pays de l’arbre à vernis (Rhus vernicefera), de l’arbre à cire végétale (Rhus succedana), de la ramie (Urtica nivea) et du Dolychos soya, sorte de haricot excellent que nous ne tarderons pas à voir introduire en Europe si nos relations avec la Corée deviennent un jour faciles. C’est aussi dans cette région que se trouve le fameux Gen-Seng (Panax quinquefolium), dont la racine est tellement appréciée par les Célestes, toujours en quête d’excitans prolifiques, qu’elle se vend au prix incroyable de 50,000 francs la livre. Celui qui croît à l’état sauvage est le plus apprécié, et ce serait, selon les missionnaires, le premier tonique du monde. La racine de la plante seule est utilisée ; on la coupe en morceaux que l’on fait infuser dans du vin blanc pendant un mois au moins, on prend ce vin à très petites doses, et il peut prolonger la vie des mourans de quelques jours. Le Gen-Seng, essayé à diverses reprises par les Européens, leur a causé souvent des maladies inflammatoires très graves. Cela tient sans doute à la différence des tempéramens et de l’alimentation habituelle. Mais la prospérité du pays devra, dans l’avenir, dépendre plus de ses mines, selon nous, que de son agriculture. Dans certaines régions septentrionales, il suffit de gratter la terre pour y voir briller l’or, et dans les sables de beaucoup de rivières les paillettes de ce métal se rencontrent fréquemment. L’exploitation des mines est aujourd’hui sévèrement défendue ; on n’ose s’y livrer, et per-