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plus la prudence commande de ne les point trop exaspérer. Mais plus aussi s’impose à ceux qui le gouvernent le devoir de ne pas sacrifier à une vaine recherche de popularité les intérêts des classes ci-devant dirigeantes. Donc, en matière d’enseignement secondaire, deux ordres d’idées très différens, deux solutions très distinctes à poursuivre, à savoir : d’abord et avant tout mettre les écoles à la portée du plus grand nombre et donner à leur enseignement une direction toute pratique ; ensuite, pour le maintien de l’esprit public, entretenir et conserver à l’usage de l’élite intellectuelle de la jeunesse quelques établissemens d’un ordre supérieur. Le gouvernement impérial, dans ses dernières années, avait eu le sentiment très net de cette double obligation envers le suffrage universel et envers l’élite. S’il eût vécu, les trois quarts de nos collèges communaux auraient, à l’heure qu’il est, perdu leur caractère classique ; plus d’un lycée (même à Paris) aurait subi la même transformation. En revanche, les humanités, légèrement corrigées, auraient gardé leur vieille et nécessaire prépondérance dans un certain nombre de maisons choisies.

La république s’honorerait en reprenant cette réforme au point où l’avait laissée son prédécesseur. Sans doute on en pourrait modifier quelques détails, tout en en conservant les grandes lignes. On pourrait par exemple, on devrait profiter de la circonstance pour accorder à ce personnel si méritant, à tant d’égards, et si distingué de notre enseignement secondaire une satisfaction qu’il est vraiment bien extraordinaire qu’on ne lui ait pas encore faite. Les professeurs de faculté ont vu, depuis 1870, leurs traitemens augmenter dans de notables proportions ; le budget de l’administration centrale va tous les jours s’enflant ; les maîtres d’école ont eu leur milliard, comme les émigrés. N’est-il pas indécent qu’on n’ait pas trouvé, dans cette orgie, deux ou trois pauvres millions pour relever la situation si digne d’intérêt des professeurs de nos lycées ? Nous ne pouvons que toucher ce point en passant ; il y en aurait bien d’autres à considérer, mais il est temps de finir, il est temps de revenir au sujet particulier de notre étude et d’en dégager la conclusion. Cette conclusion, ou plutôt ce vœu, on l’a déjà deviné, c’est que l’université se prépare, dès à présent, à remplacer le conseil actuel de l’instruction publique par des hommes qui soient bien, cette fois, l’expression fidèle de ses vraies tendances et qu’elle leur donne un mandat très net et très catégorique. Fort de son origine, armé de ce mandat, il n’est pas douteux que le futur conseil ne mette son honneur à faire justice de l’énormité du nouveau plan d’études et ne réagisse énergiquement contre l’abus des nouvelles méthodes.