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constater les résultats du système inauguré en 18801 Les candidats qui se présentent aujourd’hui au baccalauréat ont commencé leurs études sous l’ancien régime ; s’ils savent encore quelque peu de grec, c’est qu’ils l’ont appris dès la sixième. Quand les nouvelles couches arriveront, et elles arrivent, le niveau baissera nécessairement encore.

Enfin, ce qui est plus grave, plus symptomatique, si les épreuves littéraires proprement dites accusent une grande faiblesse, un fait bien autrement douloureux encore résulte des observations multipliées de la faculté : la culture générale est en pleine décadence. Les candidats savent peut-être un plus grand nombre de menues choses, ils savent moins bien les nécessaires, ils ont l’esprit moins ouvert et moins éveillé. Ils ont plus de peine à franchir la distance qui sépare l’enseignement secondaire de l’enseignement supérieur. Cette distance, autrefois, n’était pas un obstacle sérieux pour les bons élèves de rhétorique ou de philosophie. Il y a un abîme aujourd’hui entre les études du second et celles du premier degré. À la licence ès-lettres, les épreuves latines ont perdu considérablement, et, chose curieuse à noter, le succès des candidats ecclésiastiques et de ceux du collège Stanislas, où les exercices classiques ont été conservées dans presque toute leur intégrité, s’affirme de jour en jour davantage. Pour se mettre à la portée de leurs élèves, les maîtres de conférences de la faculté se voient dans la nécessité de leur faire recommencer en quelque sorte leurs humanités. Les étudians, les boursiers de licence eux-mêmes sont d’une telle ignorance qu’on en est réduit à reprendre en sous-œuvre avec eux les principales matières de rhétorique et de seconde.

Telles sont, dans leurs traits généraux, les observations critiques contenues dans le rapport de la faculté des lettres de Paris, ou qui s’en dégagent. Concevez-vous quelque chose de plus triste et de plus concluant tout ensemble, et fut-il jamais démonstration plus péremptoire ? En effet, le jugement de la faculté des lettres de Paris n’est pas seulement celui des hommes les plus compétens qui soient, il emprunte une valeur particulière à ce fait que l’élite intellectuelle de la jeune génération passe par leurs mains. La Sorbonne est le point central où tendent, et où aboutissent les efforts d’une grande partie de la population scolaire de la France. Quand donc le niveau de ses examens baisse, on peut être certain qu’il baisse partout. Lorsque, dans son indépendance, guidée par le sentiment impérieux de son devoir, elle fait entendre un cri d’alarme, lorsqu’elle vient dire à l’administration : « Prenez garde ! vous perdez les études classiques, » il est clair que le péril est grand. Et si l’administration était gouvernée, si les chefs que le hasard met à