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plus qu’un exercice insipide, diminué considérablement le nombre des devoirs écrits, et l’on s’est flatté de remplacer ces exercices, si ! salutaires au point de vue de l’émulation qu’ils excitaient entre les élèves et de l’effort personnel qu’ils exigeaient d’eux, par de plus larges explications d’auteurs ; mais, dans le même temps, on a rendu ces larges explications impossibles en exigeant des maîtres une critique plus pénétrante et beaucoup de digressions historiques et philosophiques. On ne se contente pas de leur demander des choses plus difficiles et plus nombreuses, on leur demande des choses incompatibles, inconciliables. Et du bas au sommet il en va de même ! En sixième, on enseigne les premiers principes de la prosodie latine à des enfans qui n’ont jamais vu un vers sur ses pieds et ne savent pas encore leurs déclinaisons ; en cinquième, après une seule année d’études, on leur met Ovide entre les mains, on leur apprend l’histoire de Sparte et d’Athènes avant qu’ils sachent seulement reconnaître un oméga ; en quatrième, on les lance à pleines voiles dans l’Enéide, et l’on parcourt avec eux, — vous pensez comment, — les matières grecques qui défrayaient autrefois trois années. Dans cette même classe de quatrième, le maître explique du Virgile le matin et fait réciter le soir l’alphabet grec. Vous devinez si sa tâche est facile et comme il peut intéresser ses élèves aux héllénismes qui se rencontrent si fréquemment dans le poète latin ! Inutile, bien entendu, de songer à établir une comparaison quelconque, un de ces rapprochemens qui s’imposent à tout instant entre les poètes grecs et les romains. En rhétorique, pour ne pas abuser du discours latin et sous le prétexte de ne pas trop développer chez les jeunes gens le goût de la phrase, le programme fait un devoir au professeur de leur donner des sujets de compositions variés, dissertations ou essais de critique littéraire. Parfois, il charge un élève d’étudier spécialement soit un auteur, soit un groupe d’auteurs similaires et d’en tirer une leçon pour ses camarades. Comme s’il était moins dangereux d’habituer des élèves de rhétorique à trancher au pied levé des questions de critique littéraire, où ils n’entendent et ne savent absolument rien, que de leur donner à composer, d’après une matière soigneusement ordonnée, une harangue de César ou de Germanicus à leurs soldats ! Enfin, de quelque côté que vous vous tourniez dans ces programmes énormes, vous n’y trouvez qu’incohérences, disproportions ou défauts de parallélisme, er, dès que vous serrez d’un peu près les nouvelles méthodes, vous ne tardez pas à vous apercevoir qu’avec toutes leurs prétentions scientifiques, historiques, philosophiques, elles aboutissent à l’enseignement le plus superficiel et le plus léger. De loin, c’est quelque chose, elles imposent par je ne sais quel air de