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grand changement que le proclame notre jeune critique. Ce qu’il appelle « les vieux programmes » n’avaient, en réalité, en cette matière, que six ans de date. C’est seulement en 1874, sous l’influence de la réaction conservatrice qui eut lieu à cette époque, que la théodicée fut mise avant la morale pour lui servir de base. Voici, du reste, l’histoire de cette question. Dans le programme de 1823, sous l’évêque d’Hermopolis, la théodicée précédait la morale, et Dieu y était présenté comme législateur. Que, pour cela, on fût en droit d’accuser ce programme « d’avoir craint la libre pensée et le libre examen, » je n’en sais trop rien ; car c’est un procédé bien expéditif d’éliminer les doctrines qui gênent sous le prétexte vague de non-libéralisme ; mais, après tout, cela ne regarde que le conseil de 1823 et non celui de 1832. Si la simple transposition des matières marque, comme on nous le dit, « un esprit nouveau, un esprit de liberté, » l’honneur en revient évidemment à ceux qui ont proposé cette transposition pour la première fois, et non à ceux qui l’ont rétablie ; c’est donc le programme de Cousin qui, en cette question, a introduit un esprit nouveau, un esprit de liberté. Or ce programme a duré autant que lui ; il n’y a jamais rien changé. C’est celui que nous avons appliqué lorsque nous avons commencé à enseigner la philosophie. Le même ordre a été maintenu jusqu’en 1874. Il avait donc eu plus de quarante ans d’existence, et à peine six ans d’interruption, lorsque le programme récent l’a de nouveau rétabli.

Beaucoup d’autres critiques adressées par l’auteur du même travail à l’enseignement philosophique de Victor Cousin ne s’appliqueraient en réalité, en supposant qu’elles ne fussent pas très exagérées, qu’aux programmes qui ont suivi le sien, c’est-à-dire aux programmes de 1864 et de 1874. Par exemple, on nous dit que la métaphysique envahissait la psychologie : « On passait rapidement sur les faits, on les dédaignait pour se perdre dans des discussions toujours ouvertes et fatalement stériles, pour aborder les problèmes de la substance de l’âme, du matérialisme et du spiritualisme. On était psychologue a priori. » Ces objections, vraies ou fausses (beaucoup plus fausses que vraies), ne pourraient s’appliquer, à la rigueur, qu’aux programmes ultérieurs, et non à celui de Cousin, dans lequel toute la métaphysique de l’âme se réduisait à une seule ligne : « Du moi ; de son unité et de son identité. Distinction de l’âme et du corps. » Pas un mot de matérialisme et de spiritualisme ; pas un mot sur la substance de l’âme. On ajoute : « De même la métaphysique se mêlait à la logique. On commençait par traiter du scepticisme et de la certitude, et par disserter sur l’essence de la vérité. » Comment appliquer une pareille critique à un programme qui commence par « la méthode, l’analyse et