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des faits physiologiques auxquels ils sont associés, qu’en insistant sur cette séparation elle obéissait elle-même à des idées préconçues et à des préoccupations sous-entendues ou même affichées de spiritualisme dogmatique. C’est là un tissu d’erreurs et de préjugés. La séparation de la psychologie et de la physiologie n’est pas l’œuvre de l’école éclectique ; elle est l’œuvre de l’école sensualiste du XVIIIe siècle ; elle est l’œuvre de Locke. Je ne traiterai pas, dit-il, de la nature de l’âme en physicien. Était-ce donc par ignorance que Locke écartait les recherches physiques ? Non, car il était médecin. Était-ce par préjugé mystique et spiritualiste ? Pas davantage, car c’est lui qui a dit que Dieu avait bien pu donner à la matière la puissance de penser. C’était par scrupule de méthode. Cette tradition a persisté dans l’école sensualiste du XVIIIe siècle. Ni Hume en Écosse, ni Condillac en France, n’ont fait le moindre effort pour expliquer les faits de l’âme par l’organisation. Au contraire, c’est un leibnizien, un spiritualiste, un chrétien, Ch. Bonnet, qui a perpétué au XVIIIe siècle la méthode de Descartes, c’est-à-dire la méthode physiologique. L’école de Reid, plus spiritualiste sans doute que celle de Locke, est aussi plus physiologiste. En France, le spiritualiste Maine de Biran introduit dans la psychologie beaucoup plus de physiologie que Tracy et Laromiguière, qui appartenaient à l’école sensualiste. Enfin, Jouffroy lui-même n’a jamais demandé une séparation absolue entre les deux sciences. Il a dit, au contraire, « qu’elles ne doivent pas demeurer et n’ont jamais été étrangères l’une à l’autre, et qu’elles doivent se prêter des secours mutuels. » Que la philosophie ait fait du progrès dans ce sens depuis ce temps, rien de plus naturel, car cinquante années sont quelque chose dans l’histoire d’une science ; mais l’important était d’abord de constituer la psychologie subjective, sans laquelle il ne peut pas même y avoir de psychologie objective : doctrine si peu liée à des préjugés métaphysiques. que celui qui l’a le plus fortement soutenue de nos jours est M. Stuart-Mill, que personne n’accusera de préjugés de ce genre. Toujours est-il qu’en tenant compte des époques, c’était alors la psychologie écossaise qui représentait l’esprit expérimental : c’était donc ouvrir l’école à l’esprit moderne que d’introduire comme un enseignement à part et de placer en tête du cours la psychologie.

Passons à la logique. Ici encore nous allons trouver de notables différences entre le programme de 1832 et celui de 1823. Celui-ci, conforme en tout à la tradition, ne faisait guère que reproduire le plan de la Logique de Port-Royal et de toutes les logiques classiques. La logique y était divisée en quatre parties : 1° l’idée ; 2° le jugement ; 3° le raisonnement ; 4° la méthode. Si nous jetons maintenant les yeux sur le programme Cousin, ce qui frappe tout d’abord, c’est que les trois premières parties semblent avoir disparu et que