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ès arts : Juramenta prœstabit candidatus dextra supra Evangelium posita, genua flectens. — D. Juras te profiteri religionem catholicam apostolicam et romanam ? — B. Juro. Ce sont bien les laïques à qui cette obligation de jurer à genoux sur l’évangile était imposée, car précisément les ecclésiastiques en étaient exempts : nisi fuerit in sacris ordinatus.

Tel fut l’enseignement de la philosophie dans l’ancien régime. Que devint-il pendant et après la révolution ? Il dut d’abord naturellement disparaître avec tous les établissemens d’instruction publique. Il y eut quelques velléités d’organisation nouvelle dans ce qu’on appela les écoles centrales. Dans ces écoles, on vit la philosophie se cacher sous le nom d’idéologie et de grammaire générale. Mais on sait combien ce genre d’établissemens laissaient à désirer. Les écoles centrales échouèrent presque partout et laissèrent très peu de traces. Il est vraisemblable d’ailleurs que ce ne fut que dans un petit nombre d’entre elles que le cours de grammaire générale fut organisé. Ce qui est certain, c’est que, dans les commencemens de l’université, quoique l’existence d’une classe de philosophie fût établie en principe, elle n’exista d’abord presque nulle part. Nous avons vu Cousin, en 1819, entrer à l’École normale au sortir de rhétorique, sans avoir fait de classe de philosophie : c’est qu’il n’y en avait point. Il en fut de même probablement de Jouffroy : autrement il n’aurait pas été aussi étonné qu’il nous le dit du problème de l’origine des idées. M. Mignet nous a attesté lui-même qu’en 1819, au lycée d’Avignon, où il a terminé ses études, il n’y avait pas de classe de philosophie ; et il en était de même à Marseille, où M. Thiers a fini les siennes. Il devait en être de même à peu près partout. Cependant la création de l’École normale et la haute direction de M. Royer-Collard, nommé conseiller de l’université, donnèrent une forte impulsion à cet enseignement. Il fut organisé d’abord à Paris ; il fut représenté au concours général ; les jeunes élèves de l’école commencèrent à se répandre en province. Il est évident que si ce mouvement eût duré, l’honneur d’avoir fondé un enseignement libre de la philosophie appartiendrait à Royer-Collard et non à Victor Cousin ; et même une part de cet honneur revient nécessairement au premier pour avoir donné le premier élan. Mais combien de temps dura cette action de Royer-Collard ? M. Dubois, dans ses articles du Globe, la réduit à deux ou trois ans tout au plus[1]. En mettant les choses au mieux, elle a duré au plus cinq ans, de 1815 à 1820. A cette époque, commença la réaction religieuse. M. Royer-Collard est écarté. En 1822, l’Ecole normale est supprimée. Le ministère de

  1. Fragmens, t. II, p. 157 : « Nous osons à peine compter deux ou trois années de répit. »