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les commandes qui leur sont adjugées, que la ville et l’état confient de préférence leurs travaux à des sociétés ouvrières, que celles-ci soient dispensées du déficit de cautionnement, que les produits étrangers soient frappés de droits plus élevés, parce que la concurrence avec les autres pays, l’Allemagne surtout, où les salaires sont inférieurs, devient impossible. Du travail, et encore du travail, assuré, protégé et bien payé, voilà ce qu’on demande pour les sociétés ouvrières. Il semble que le gouvernement n’ait qu’à vouloir pour donner satisfaction. Précisément, un entrepreneur vient de proposer la construction d’un palais de cristal dans le parc de Saint-Cloud. Il y aura là pour 25 millions de travaux. Les sociétés ouvrières ont déjà la promesse d’y concourir dans une large mesure. Avec un ensemble auquel l’habile auteur du projet n’est certainement pas étranger, les déposans réclament le palais de cristal. Bref, le dernier mot des dépositions est invariablement celui-ci : « Nous prions la commission de nous faire donner des commandes, et tout ira bien. »

Il est douteux que la commission réponde à ces demandes. Elle voit d’ailleurs que les vœux des ouvriers sont aujourd’hui parvenus directement à la chambre des députés. Elle pourra donc se considérer comme étant dessaisie et délivrée des questions les plus épineuses qui ont été touchées au cours de l’enquête, et s’en tenir, pour ce qui la concerne, à un simple avis sur le dépôt du cautionnement et sur la participation des ouvriers aux bénéfices, des entrepreneurs, adjudicataires des travaux publics. L’état peut-il renoncer à la garantie du cautionnement et suivre à cet égard l’exemple donné par l’administration de la ville de Paris ? Cette garantie a été jusqu’ici insérée dans les cahiers des charges ; elle est d’usage, non-seulement pour les travaux de l’état, mais encore pour les travaux de quelque importance exécutés au compte des compagnies ou même des simples particuliers : les ingénieurs et les architectes la jugent donc utile, sinon nécessaire. Si on la supprime, la mesure doit s’appliquer à tous les entrepreneurs comme aux sociétés ouvrières ; car on ne saurait admettre une catégorie privilégiée parmi les soumissionnaires de travaux. La décision dépend donc uniquement de considérations puisées dans l’intérêt de l’état et des contribuables. Il appartient à la conscience de la commission d’en préparer les élémens. — Quant à la diminution du rabais que l’on propose d’accorder, après l’adjudication, à ceux des entrepreneurs qui admettraient les ouvriers à la participation de leurs bénéfices, il ne faut pas perdre de vue qu’il y aurait là une prime destinée à accroître le salaire de la main-d’œuvre, et que cette prime, augmentant le prix des travaux adjugés, serait payée par l’état et par les contribuables. Un particulier qui a recours à l’adjudication pour faire