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Ce n’était pas l’Angleterre qui pouvait refuser de le satisfaire à de telles conditions, car elle y trouvait elle-même au contraire tous ses avantages. L’Allemagne pacifiée, c’était à ses yeux, dans un temps donné et probablement assez court, l’Allemagne réunie tout entière contre l’ennemi commun. L’empereur, une fois détaché de la France et dégoûté de son patronage, ne tarderait pas, pensait-on à Londres, à subir de nouvelles influences et se laisserait facilement entraîner par le courant d’hostilité qui, déjà même dans son propre entourage, se déchaînait contre son ancien allié. Il apporterait alors à une coalition antifrançaise, sinon un secours matériel, efficace, au moins l’appui moral, toujours puissant, du chef nominal de l’empire. En attendant, dès qu’on cesserait de se battre en Allemagne, l’électoral du Hanovre, si cher au monarque anglais, serait mis définitivement à l’abri des chances de la guerre, et on ferait droit aisément aux réclamations impatientes de Marie-Thérèse sans hasarder, à de périlleuses distances, les corps de troupes, toujours peu nombreux, qu’on pouvait détacher de l’armée britannique, ou payer par les subsides du parlement. L’Autriche, de son côté, mise en pleine sécurité sur ses possessions allemandes, serait libre de consacrer une plus grande partie de ses forces à tenir tête en Italie à l’ambition espagnole, et en portant un coup, peut-être fatal, à la puissance des royautés de la maison de Bourbon, dans la Méditerranée, servirait indirectement à la prépondérance maritime de leur rivale. Enfin, si le théâtre de la lutte était rapproché des Pays-Bas, il deviendrait plus facile de réaliser le concours que les états-généraux de Hollande ne cessaient de promettre à George II comme à Marie-Thérèse, mais qu’ils ne s’étaient pas encore résolus à lui prêter d’une manière effective. Ces riches et prudens républicains, qui hésitaient à se lancer dans une expédition lointaine, ne pouvaient manquer de prendre l’éveil et de se mettre en garde dès qu’ils entendraient le bruit des armes résonner à proximité de leurs frontières. Sous l’empire d’un sentiment ainsi partagé, comme on le voit par ceux mêmes dont les intérêts étaient le plus opposés, des propositions de paix partant de tous les côtés, soit officieuses, soit officielles, tantôt publiques, tantôt secrètes, ne cessèrent de se multiplier pendant tout l’hiver de 1743, et il serait aussi long d’en énumérer la série que fastidieux d’en rapporter le détail ; d’autant plus que ce ne sont, en général, que des diversions assez insignifiantes sur ce thème unique : le repos de l’empire assuré par un accommodement équitable offert à son chef, ce qui était le désir commun.