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des colonies, et il a confié au président de la seconde chambre, M. van Rees, la grave mission d’aller aux Indes, comme gouverneur général, à la place de M. Jacob. La résolution avait certes son importance et dénotait, de la part du cabinet, la bonne volonté de se conformer à un désir du parlement. Ces choix avaient leur signification ; mais voici où la difficulté commence, car on n’est jamais au bout des difficultés. Par leurs opinions, par les principes qu’ils ont toujours soutenus, le nouveau ministre des colonies et le nouveau gouverneur général des Indes ont été jusqu’ici en contradiction à peu près complète avec les opinions du chef du ministère, de M. Heemskerk lui-même. M. von Eyk, pendant son long séjour aux Indes, a montré un libéralisme extrêmement énergique et décidé. M. van Rees, de son côté, a été depuis vingt ans un des chefs du parti libéral colonial et n’a cessé de réclamer l’application des principes les plus libéraux dans le gouvernement et l’administration des colonies. Comment concilier ces opinions connues des nouveaux fonctionnaires avec celles du premier ministre qui les a choisis, qui a combattu depuis vingt ans bien des actes de politique libérale aux colonies ? Les uns ou les autres avaient-ils changé d’opinion ? N’y avait-il pas là quelque confusion propre à dérouter le public ? Il fallait bien qu’il y eût quelque équivoque puisque, dans la première chambre, M. van de Putte, a cru devoir soulever la question. Il a interrogé le gouvernement, et le chef du cabinet, M. Heemskerk, a répondu en toute simplicité qu’il n’avait pas changé d’opinion, qu’il désapprouvait encore bien des mesures coloniales adoptées depuis vingt ans, mais « qu’on ne pouvait pas gouverner avec des regrets. » Il considérait dès lors comme un fait accompli ce qui s’était passé depuis longtemps et il avait cru s’inspirer des vrais intérêts de l’état en confiant le gouvernement général des Indes à des mains fermes et énergiques. Sur un certain nombre de points d’ailleurs, notamment sur la nécessité d’arriver à rétablir l’équilibre dans les finances des Indes, les nouveaux fonctionnaires et le gouvernement s’étaient mis d’accord ; ils avaient adopté un programme commun. La difficulté est donc pour le moment écartée par les changemens qui viennent de s’accomplir. Il n’est pas dit cependant que les nominations nouvelles ne conduiront pas elles-mêmes à d’autres conflits, que le ministère de M. Heemskerk en ait fini avec les embarras que ces affaires des Indes lui ont déjà causés) et qu’elles peuvent lui causer encore. La seule moralité de cet incident, c’est que l’existence des ministères est toujours laborieuse » à La Haye ! comme dans bien d’autres pays.


CH. DE MAZADE.