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que les chimistes reconnaissent dans le naphte : disons seulement que ce sont principalement des carbures d’hydrogène. Ces corps forment des séries régulières, dans lesquelles la proportion du carbone relativement à l’hydrogène augmente suivant une formule connue. Les moins riches en carbone sont gazeux, comme le gaz des marais ; puis viennent les carbures liquides, comme la benzine ; et enfin les carbures solides comme la paraffine ou l’anthracène. On a vu comment ces corps mis en présence et portés à une haute température se combinent ou se séparent, se condensent ou se subliment, et comment on retrouve en fin de compte des liquides au lieu de solides, des solides au lieu de gaz. Ici nous avons affaire à un mélange de carbures liquides. Pour l’épurer, il faut le débarrasser premièrement de certains carbures gazeux, qui sont restés dissous dans les liquides, secondement de produits alcalins ou acides qu’il peut contenir. Parmi les alcalis figurent de notables quantités d’ammoniaque. Les corps étrangers donnent au naphte une odeur repoussante. On les sépare par des lavages successifs, d’abord à l’eau pure, qui dissout certains de ces corps, puis à l’acide sulfurique, enfin à la soude caustique, pour enlever les acides du goudron et l’acide sulfurique resté en excès. Les lavages se font dans de grands vases cylindriques, où les liquides sont battus par des roues à aubes, qu’on fait tourner soit à la main, soit au moyen d’une force motrice. Ces vases, appelés mélangeurs, doivent être placés en gradins l’un au-dessus de l’autre. Après chaque lavage, on laisse reposer plusieurs heures. L’eau qui s’est chargée d’ammoniaque est décantée par un siphon. Le naphte coule dans le second bac, revêtu de lames de plomb, où il est agité avec l’acide sulfurique ; puis, après quelques heures de repos, cet acide est soutiré par un robinet de vidange, entraînant avec lui des carbures nauséabonds qui étaient dissous dans le naphte. Et comme rien ne doit se perdre, il est mêlé aux eaux ammoniacales, et donne des sulfates. Enfin on fait couler le naphte dans le dernier mélangeur, où il est traité par la soude caustique.

Après les lavages, le naphte est encore une fois distillé. C’est la quatrième distillation depuis que la houille a été apportée à l’usine. Les vieux alchimistes passaient, dit-on, des années à distiller et redistiller le même corps, espérant qu’ils verraient à la fin se sublimer, à travers le col de leurs étranges alambics, les vapeurs légères de la liqueur de vie, ou bien la pierre philosophale se déposer au fond de la panse de leur cornue. L’industrie moderne n’a pas renoncé à leurs procédés, qui n’ont pu fournir ni la pierre des philosophes, ni la liqueur de vie, mais qui ont conduit les Basile Valentin, et les Van Helmont à de précieuses découvertes. Tant il est vrai que, dans les plus simples opérations de la science ou de l’industrie, se