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produit le chloroforme lorsque l’hydrogène y est remplacé par du chlore, perd de l’hydrogène et fournit de l’acétylène.

Souvent des forces contraires se développent à la fois ; les corps sont en même temps soumis à une influence qui les rapproche, et à une autre influence qui les sépare ; le résultat dépend de faibles différences soit dans la température, soit dans les quantités respectives des corps mis en présence. La benzine et l’acide carbonique s’unissent pour former l’acide benzoïque ; l’acide benzoïque se décompose en acide carbonique et en benzine. Le styrolène est produit par l’union de la benzine et du gaz oléfiant, et se dissocie en donnant de la benzine et de l’acétylène. Enfin la benzine reparaît encore si l’anthracène et la naphtaline sont chauffés en présence de l’hydrogène. Quelquefois, entre ces forces contraires, un équilibre s’établit ; par exemple, l’acétylène peut se combinera l’hydrogène pour former le gaz oléfiant ; mais le gaz oléfiant, à la même température, se décompose en donnant ses deux élémens : si les trois gaz sont en présence et qu’ils soient purs, tout restera en suspens, car les tendances opposées se seront contre-balancées. La décomposition du gaz oléfiant continuera si l’acétylène, en présence d’autres corps, subit de nouvelles transformations et se trouve éliminé.

Nous avons dû donner quelques exemples des nombreuses réactions qui ont lieu lorsqu’une matière organique telle que la houille est portée à une température élevée. Les quatre corps simples qui constituent les matières organiques forment entre eux bien plus de combinaisons différentes que n’en fournissent tous les minéraux. Si l’élévation de température avait lieu à l’air libre, il y aurait combustion ; toutes ces innombrables substances seraient oxydées et se dissiperaient dans les airs à l’état d’acide carbonique et de vapeur d’eau. Mais, si l’on opère à l’abri de l’oxygène et si l’on ne laisse intervenir aucun élément étranger, elles réagissent les unes sur les autres ; une multitude de corps se forment ou se décomposent, échangent entre eux leurs élémens. Et le mélange que l’on recueille quand la chaleur s’est dissipée est un mélange de corps nouveaux. C’est ainsi que la houille, matière solide et sèche, nous fournit les liquides du goudron et les gaz de l’éclairage : ces liquides, ces gaz n’y étaient pas contenus ; ils résultent des transformations accomplies sous l’influence de la chaleur.

En somme, grâce aux belles expériences de M. Berthelot, nous avons une idée générale de la formation du goudron et des gaz. Or, si le goudron et les gaz ne sont point, en réalité, des parties détachées de la houille, mais des corps nouveaux qui se sont créés à la chaleur rouge, qu’est-ce donc que la houille ? De quels corps organiques est-elle composée ? Nous ne le savons que fort imparfaitement.