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l’affirmer, ce n’est pas seulement parce qu’elle contient du carbone, car le carbone fait aussi partie du monde minéral. Le carbone isolé et cristallisé, le diamant, ou même le graphite, n’a jamais dû être engagé dans une combinaison organique : au moins aucun signe ne nous autorise à le croire. Le carbone dont l’analyse spectrale nous révèle la présence dans la matière incandescente des astres est porté à une température extrême, contraire à toutes les conditions de la vie. Le carbone combiné à la chaux provient souvent de la coquille des mollusques : telle est l’origine de la craie ; mais le marbre est aussi du carbonate de chaux, et le marbre est minéral.

Enfin le gaz acide carbonique qui abonde dans notre atmosphère et qui sans cesse est absorbé, puis restitué à l’atmosphère par tous les êtres vivans, ne peut pas être en toute circonstance qualifié matière organique. Les végétaux s’en nourrissent : humectée par la pluie et avivée par les rayons du soleil, la matière verte de leurs feuillages a la propriété de décomposer le gaz et de s’enrichir du carbone. C’est le contraire d’une combustion où le carbone s’unit à l’oxygène et se répand dans l’air ; ici l’air est analysé, l’oxygène s’échappe, et l’élément solide est assimilé par l’être vivant. Les animaux, qui ne peuvent se nourrir ainsi, et, comme dit le proverbe, ne vivent pas de l’air du temps, trouvent le carbone condensé, préparé pour eux dans les végétaux. Par la respiration, animaux et végétaux rendent à l’atmosphère l’acide carbonique, résidu de la combustion de leurs organes. Ainsi l’acide carbonique est à la fois le premier aliment et le dernier résidu de la vie.

Mais les vivans ne sont pas seuls à entretenir avec l’atmosphère cette suite d’échanges ; ils ne possèdent pas seuls la propriété d’absorber l’acide carbonique et de le restituer à l’atmosphère. Le monde minéral lui-même a sa manière de respirer. Il y a une haleine issue des profondeurs du globe, un souffle qui s’échappe du sein de la terre, et qui, venant de ses entrailles en fusion, poussé à travers d’insondables fissures, s’échappe par l’orifice des volcans. Les volcans vomissent dans l’atmosphère des torrens d’acide carbonique, et ces torrens sortent de cavernes intérieures aux couches géologiques les plus basses et de fournaises dans lesquelles la vie n’est pas concevable. Ils proviennent des combustions et des réactions de toute sorte qui se poursuivent entre les substances minérales, au centre du globe et sous sa croûte refroidie.

Ainsi le gaz carbonique s’exhale du sein du monde minéral. Il peut se répandre sur les forêts, se fixer sur les feuilles et pénétrer dans le monde vivant. Il peut aussi faire retour à la matière morte. Autour de l’Etna ou du Vésuve, le ciel s’obscurcit, la vapeur d’eau se condense en nuages épais ; la pluie tombe. Elle entraîne avec elle et ramène à la terre l’acide carbonique qui s’est dissous dans l’eau